J'étais assis à cette grande table et
on m'avait placé en face d'un couple de Néo-Zélandais. J'avais été
présenté comme le maçon et je venais effectivement refaire une
bonne partie des toitures, mais on m'avait proposé de commencer par
une petite réparation chez les voisins dont la toiture souffrait
aussi de ce climat rude du Larzac.
Vers la fin de la matinée, Gisèle
était venue me voir sur mon chantier pour me présenter Rod et Linda
et ils m'avaient invité pour le repas. Ils s'étaient rencontrés en
Chine, puis s'étaient revus au plusieurs fois ici et là, en Asie.
Depuis ils venaient chaque année à la
Mouisse retrouver leurs amis et leurs souvenirs.
Je découvrais un monde de voyageurs.
Des retraités, fans de découverte et d'expérience humaine. Gisèle
avait ainsi voyagé avec Gérard depuis leur retraite durant
plusieurs années et il y avait au fond de la grande pièce unique de
leur maison une étagère remplie de cahiers qui contenaient leurs
photos et journal de bord de chaque voyage, mais ça je le découvris
par la suite.
Nous étions une bonne douzaine autour
de cette table et Gérard avait placé tout son monde avec humour, se
réservant le bout de table comme tout bon patriarche. Je regardais
donc mes voisins et commençais à réviser mon anglais pour établir
un minimum de liens avec ces gens souriants venus de si loin pour
revoir leurs amis de voyage.
C'est alors que l'étincelle se fit :
je dis à Rod que le seul homme que je connaissais en Nouvelle
Zélande était le dernier Rajah du Sarawak.
Je les vis alors tous les deux
abasourdis comme s'ils avaient rencontré un alien.
Pendant que Rod me faisait répéter,
Linda fit taire tous les autres pour relayer à nos hôtes mon
information.
Gérard se mit alors en devoir de me
questionner et il fallait voir le cocasse de cette situation où deux
personnes échangent à quatre mètres de distance et dix personnes
silencieuses dont la plupart ne comprenait d'ailleurs rien.
Et moi le premier.
J'avais simplement cité un nom, celui
d'un homme au destin étrange, qui avait été désigné pour
succéder au dernier Rajah du Sarawak, mais qui fut ensuite évincé,
le royaume ayant été vendu, oui, vendu à l'Angleterre.
Gérard, Gisèle, Rod et Linda
s'étaient retrouvés plusieurs fois au Sarawak et avaient été
fascinés par l'histoire des Rajahs Blancs, d'où leur stupeur quand,
à leur table, le maçon évoque cette histoire.
Mais eux connaissaient les lieux, le
pays, la jungle, les animaux, les gens, les musées, et c'est ici
qu'ils sortirent pour moi les cahiers de voyage pour la première
fois et je vis les photos et ils me lirent des extraits de leur
journal, la visite du palais des rajahs à Kushing. Et une bonne
partie du repas se passa à parler du Sarawak.
Et j'eu droit à la visite du « musée »
de Gérard. Une antre remplie d'objets aussi divers que des figurines
de dragons, des bouteilles de whisky de toutes origines, des boîtes
quality street, des snoopy, des collections de voitures miniatures,
de timbres, d'objet plus curieux les uns que les autres...
Il ne me restait plus qu'à raconter
mon histoire, enfin, plutôt celle de la famille Brooke, et de ma
rencontre avec elle.
Le Barry, printemps 2005
Je remonte le temps, c'est une des
possibilités qu'offre assez couramment l'écriture, et j'y trouve un
certain confort !
Me voici dans une chapelle d'un hameau
de Monpeyroux, le Barry.
Je suis responsable d'une équipe et
nous venons de commencer le chantier de rénovation dont l'objectif
est de transformer l'actuelle semi-ruine en salle d'exposition et de
spectacles.
Et les voisins ne manquent pas de venir
nous faire une visite pour se faire expliquer les détails de
l'opération. Voilà donc en un après midi, deux anglaises se
présentent et me questionnent. La plus jeune, très élégante,
parle un français impeccable, et retraduit à son amie mes propos.
Au moment de nous quitter, je lui demande ce qu'elle fait. Du vin, et
de la peinture, me dit-elle, et elle m'invite même à visiter son
atelier en fin de journée.
Chose promise, chose due, je me
retrouve quelques instants plus tard juste derrière la chapelle
devant une jolie maison et ainsi commence la visite de l'atelier de
Jo.
une oeuvre de Jo |
J'aperçois alors un Orang-Outang.
Je lui dis : l'animal fétiche du
Sarawak !
Oui, elle connaît, oui elle y est
allée, et elle me cite le nom de la rivière au bord de laquelle
elle l'a rencontré, cet Orang-outang. Et me revoilà à devoir
expliquer comment, mais comment je connais ce pays ?
Mais je ne le connais pas, je dis
seulement que je connais la fille du dernier Rajah, la fille
d'Anthony Brooke, Célia.
Que nous nous sommes connus dans
l'Aude, que j'ai même eu l'honneur de rencontrer son père et de
parler longuement avec lui sur son engagement dans les mouvements
pacifistes nés après la seconde guerre mondiale. Je ne pense pas
lui avoir dit cette fois le pourquoi de cette rencontre.
Elle avait une chose étonnante à me
dire.
Elle vivait dans le sud depuis
longtemps et recevait de temps à autre une amie anglaise quilui
avait souvent posé cette question : aurais-tu rencontré une de
mes amies d'enfance qui vit aussi dans le sud, nous sommes devenues
amies dans un pensionnat en Chine et nous avons perdu le contact,
elle s'appelle Célia et c'est la fille du dernier Rajah du
Sarawak...
Je lui donnais l'adresse de Célia et
lui raconta ce que je savais.
Jo connaissait le Sarawak pour y être
allée plusieurs fois. Un cousin à elle y vit, ancien pilote du
Rajah de Brunei, il s'y est installé.
Bouriège, hiver 1983
C'est une fête dans le foyer du
village. Je ne sais plus qui joue, peut-être le
Saint-André-Blues-Band, en tout cas il y a du monde et une amie me
présente à un couple, Célia et David. Quand elle les a aperçus
elle m'a dit qu'elle allait me présenter à une princesse.
Effectivement Célia a bien une allure
de princesse, et David une belle allure de prince. Ils sont beaux.
Nous parlons et, apprenant ma qualité
de maçon, me proposent de passer chez eux un jour pour voir leur
projet d'école.
Et je prends ainsi l'habitude de venir
les voir à la Métairie Blanche, un lieu perdu dans les collines, sans électricité, où ils restaurent une maison et ont entrepris une
construction d'où doit surgir une école... Je donne quelques cours
de plâtre à des anglais dans une grande pièce où trônent des
curieux tableaux de personnages royaux. Quand je demande ce qu'ils
font là, on me répond simplement que c'est la famille de Célia !
Et les années passent, je change de
région.
Un jour un ami vient me voir. Proche de
David et de Célia dont il connait le père, Anthony. Anthony Brooke
vit en Nouvelle Zélande et là-bas, il a créé « Many to
Many », un genre de périodique dans lequel il rassemble toutes
les informations qu'il reçoit sur le monde du changement.
Mon ami, qui reçoit « Many to
Many », cherche quelqu'un pour l'aider à le publier en
français .
Célia est partante pour nous aider et
commence alors à me raconter sa vie, celle de son père, elle me
confie des documents, articles de presse, livres.
Commence alors pour moi une période
très féconde en découvertes. Je rentre en contact avec les gens
qui écrivent dans Many to Many, j'échange des courriers avec
l'université de la Paix au Costa-Rica, qui prépare une rencontre
internationale pour rédiger une déclaration des Devoirs des
Citoyens, pour faire suite aux droits de l'homme, je découvre le
mouvement « Generals for Peace », qui rassemble des
officiers supérieurs conscients des dangers liés au nucléaire, un
mouvement qui, à mon sens, a largement collaboré à l'ouverture des
pays de l'est, dont la chute du mur de Berlin fut le symbole.
Generals for Peace rassemblait en effet à la fois des généraux des
pays de l'Otan etdes généraux des pays de l'est.
Neve Shalom, une communauté Judéo
Palestinienne, dont la principale activité est une école pour la
résolution pacifique des conflits, ainsi que toute sorte de
mouvements engagés dans la non-violence et la protection de
l'environnement.
Tous ces mouvements connaissent Anthony
Brooke pour l'avoir rencontré en tant que militant actif pour toutes
ces causes
Et puis, bien sûr, je découvre
l'histoire du Sarawak.
J'avais lu Kipling et sa nouvelle
« l'homme qui voulut être roi », mais le nom de Sarawak
ne m'avait rien évoqué.
Anthony Brooke est né en 1912. Neveu de Charles Vyner Brooke, Rajah du Sarawak, il est
destiné à régner à la suite de son oncle qui n'a engendré que
des filles, le titre de Rajah ne se transmettant qu'à des hommes.
Le 9 Avril 1939, il est désigné comme
successeur et sacré « Rajah Muda ».
Il vit au palais de son oncle royal et
se consacre aux choses de l'état, veillant au bon fonctionnement de
l'administration et prenant très à cœur sa responsabilité de
futur chef d'état.
Il rencontre un jour la future mère de
Célia et ils décident de se marier.
Le mariage a lieu à Rangoon et, après
une lune de miel à Sumatra, le couple s'envole pour Athènes où vit
la mère d'Anthony.
Un télégramme lui apprend alors qu'il
est destitué de son titre de Rajah Muda.
1941. Le monde est en guerre. Le
Sarawak fête les cent ans de la dynastie Brooke. Du 20 au 28
Septembre la ville de Kuching est en fête, toutes les communautés
du pays représentées par leurs chefs sont reçues au palais.
« Témoignant sans équivoque le respect et l'affection que
tous les sujets avaient pour le règne desBrooke »
Décembre 1941 : invasion
Japonaise, le Rajah est en Australie, les autres membres de la
famille sont absents du pays.
A la fin du conflit, le pays est cédé
à la couronne britannique moyennant 2,750,000 livres sterling dont
une partie est allouée au Rajah et aux siens.. Le 26 Juillet 1946,
le Sarawak devient officiellement une colonie Anglaise.
Le règne des Rajahs Blancs prend fin.
Un siècle plus tôt
1824
James Brooke, jeune officier de l'armée
des Indes (armée privée, de la compagnie des Indes) est laissé
pour mort dans une bataille contre des Birmans.
Retrouvé sous son cheval par son
colonel, il est ensuite rapatrié en Angleterre pour extraire une
balle de sa colonne vertébrale. Sa convalescence est longue et
difficile et, quand il décide de rejoindre son régiment, le premier
bateau qu'il prend à Southampton fait naufrage près de l'île de
Wight. Le voyage suivant l 'amène à bon port, mais trop tard :
il a dépassé le délai de 5 ans qui lui était imparti et se
retrouve au chômage.
De retour en Angleterre il se documente
sur les régions du monde encore à découvrir.
Il a lu le livre de Georges Windsor
Earl sur son voyage à Bornéo et les articles de Sir Raffles, ancien
Gouverneur de Java, qui traitent de l'intérêt majeur que représente
cette île. Il rencontre Earl, consulte l'Amirauté et le British
Muséum, et même si les gens ne savent finalement pas grand chose,
il se trouve chaque fois bien accueilli.
La mort de son père et l'héritage qui
en découle sera l'élément moteur de ce qui suit.
Il achète un bateau de 142 tonneaux,
recrute un équipage au complet, et effectue un voyage d'essai en
Méditerrannée de septembre 1836 au mois de Juin 1937.
L'expérience étant concluante, il se
sent prêt au grand voyage.
Il écrit un texte par lequel il
demande des aides pour lancer une expédition . Il commence par
décrire l'histoire de l'archipel Malais des derniers siècles,
s'appuie sur reprenant idées de Raffles, critique la politique
Hollandaise en Malaisie qu'il considère néfaste, voire
désastreuse.
« A ce jour, nous avons la
quasi certitude que la politique Hollandaise n'a engendré que la
confusion et l'anarchie dans cet eden oriental, en n'y apportant que
l'idée du profit ! »
Ajoutant que si les Hollandais ont pu
s'implanter là-bas c'est uniquement lié au fait que l'angleterre
n'a pas suivi les conseils de Raffles.
La suite du texte exprime très bien
son état d'esprit et le réel engagement qui le motive et qui
restera sa ligne directrice : Mettre en place un comptoir
commercial ne doit pas se faire sans tenir impérativement compte de
l'évolution et du développement des populations du lieu !
Il cite même « les droits
inaliénables des Aborigènes »
On est loin de l'American dream...
C'est le point qui me plaît le plus
dans son histoire.
Il projette un voyage qui l'amènerait
à l'extrême nord-est de Bornéo, Malludu Bay, où l'East India
Company s'était déjà implantée, bien placée par rapport à la
Chine, Singapour et Port Essington en Australie, ces derniers étant
Britanniques.
Il entrerait en relation avec le peuple
Dyak, et en profiterait pour y étudier la flore, la faune et les
ressources minérales de la région.
Puis il poursuivrait en accostant aux
Célèbes, chez les Bugis, qui sont les grands marchands de
l'archipel, étudierait la possibilité d'y établir un comptoir dans
une contrée non contrôlée par les Hollandais, rejoindrait ensuite
la Nouvelle-Guinée, les îles Aru et Port Essington.
Il insistait enfin sur le fait que son
bateau, le Royalist, faisait partie du Royal Yacht Squadron et que ce
titre lui amenait autant de considération qu'un bateau de la Royal
Navy.
Un projet bien ambitieux quand on sait
que Malludu Bay était le principal repaire des pirates Illanums, que
l'isolement de Bornéo, le pays des réducteurs de têtes, était
entièrement dû à la piraterie, et que, depuis Vasco de Gama,
nombreuses furent les tentatives d'implantation et aussi nombreux les
échecs...
Il déclencha malgré tout un réel
intérêt, y compris en Hollande où il fut tout de suite considéré
comme un homme dangereux.
Jeudi 26 Octobre 1838, le Royalist
quitte Londres pour Singapour. Cinq mois de voyage avec deux semaines
d'escale à Rio de Janeiro et autant au Cap. A Singapour James est
reçu par le gouverneur qui est intéressé par son projet et le
documente sur tout ce qu'il n'a pas pu savoir en Angleterre
concernant Bornéo, ses coutumes, ses habitants Chinois et Malais...
Il reprend la mer le 27 Juillet avec un
nouveau médecin de bord et un interprète Malais. Destination :
la Sarawak River, 600 miles plus bas.
Le 12 Août, il jette l'ancre à
l'ouest de l'embouchure de la Sarawak River et James envoie une
chaloupe à la résidence du Rajah, 20 miles plus bas. Le Rajah
envoie alors un émissaire porteur d'une invitation officielle.
Le 15 Août, les 21 canons du Royalist
saluent le Rajah devant son palais de Kuching. James et son équipage
sont reçus comme des sauveurs.
En fait tous sont victimes d'un
quiproquo.
Kuching a demandé à l'Angleterre de
l'aide pour lutter contre la piraterie et ouvrir le pays au commerce
extérieur. Le bateau de James avec son pavillon britannique et son
nom évocateur est pris pour une réponse effective d'aide et c'est
ainsi que commence la relation entre James et le Rajah.
James s'implique alors dans l'histoire
locale, résolvant un à un les problèmes du Rajah. Diplomate par
nature, il réussit par le dialogue à dénouer des conflits . Petit
à petit il devient la personne de la situation et se fait aimer à
la fois du peuple et des dirigeants.
Kuching |
En fait les choses arrivent sans
prévenir. Il rentre à Singapour, se fait un peu tirer les oreilles
par le gouverneur qui lui demande de ne pas mélanger les affaires
commerciales avec la politique. Il décide de revoir Kuching pour
saluer ses amis avant de reprendre son voyage vers Manille et la
Chine, puis de rentrer en Angleterre.
Ceci est le tout début de l'Histoire. Je reprend un peu en arrière pour préciser les circonstances de ce qui vient de se passer jusque là, la suite n'en sera que plus lisible...
Retour sur l'état de Bornéo
A cette époque, la province de Sarawak
constitue la majeure partie du territoire des sultans de Brunei qui
l'avaient conquis deux siècles plus tôt à cause de ses mines d'or
et d'antimoine. Le conquérant, le sultan Hasan, neuvième de la
dynastie, régnait sur tout Bornéo dans le début du dix-septième
siècle et son influence allait des Philippines jusqu'à Java. Mais
aussitôt après sa mort, les autres sultans de l'île retrouvèrent
leur totale indépendance. Muhudin, petit-fils d'Hasan, dû même
céder la partie nord de Bornéo aux Sulu, en contrepartie de leur
aise dans une guerre civile.
La décadence fut rapide au 18 ème
siècle.
Du fait d'une coutume musulmane qui
donnait comme successeur du trône non pas le fils aîné, mais
l'ainé mâle de la famille régnante, il arrivait que soient mis à
mort les frères du Sultan régnant ainsi que leurs fils, ce qui
simplifiait passablement les choses...
Dans les territoires Malais il arrivait
que le fils aîné du dernier souverain soit préparé à s'emparer
du trône et éliminer ses rivaux, mais la plupart du temps les
princes et leurs suites accédaient à leur fin par la négociation
et un ou deux meurtres.
Le trône de Brunei avait souvent connu
ce type d'expérience. En 1839, quand James Brooke débarque , le
Sultan s'appelle Omar Ali Saifuddin, homme d'une cinquantaine
d'années, considéré comme un peu simple. Quelques années plus
tôt, bien ayant été désigné comme successeur de son père, c'est
un de ses oncles qui prend le trône. Api, un homme cruel jusqu'à
la folie, épargne son neveu sans doute à cause de son infirmité.
La sœur de Api, mère d'Omar, organise alors une révolte dans le
palais qui aboutit à la mise à mort de l'usurpateur.
Omar Ali monte ainsi sur le trône mais
du fait de son état mental et d'une légère déformation de la main
droite, il n'est jamais formellement investi et ne prend donc pas le
titre de Ing di Pertuan (Seigneur
Régnant) qui désignait le souverain de Brunei. Il n'a aucun
contrôle sur ses proches, et ceux ci choisissent un autre de ses
oncles, Hasim, comme Rajah Muda, ou héritier du trône et Régent.
Peu après, comme une révolte éclate au Sarawak contre le
gouverneur, le Pangiran Makota, en 1837 le Rajah Muda Hasim est
envoyé pour rétablir l'ordre.
Une révolte n'était pas surprenante
vu l'état de corruption du régime.
Quand les nobles n'étaient pas
occupés à intriguer les uns contre les autres, ils se liguaient
pour extorquer argent et denrées aux races indigènes plus faibles.
Les Lands Dyaks en particulier. Les chefs locaux Malais étaient
habilités à demander un impôt aux Dyaks, mais leur méthode de
marché forcé, en usage dans tous les pays Malais, était
intolérable. Tous les produits d'un village Dyak devaient être
vendus au prix que décidait le dirigeant, et tous les Malais du
district avaient le droit d'acheter le surplus au même prix. Et si
les denrées manquaient, alors ils étaient forcés de vendre leurs
enfants comme esclaves. Obligés aussi d'acheter ce que les
dirigeants voulaient leur vendre à des prix excessifs...
Dans de telles conditions, la
population Dyak était proche de la famine et déclinait quand ils
n'allaient pas se réfugier dans les lointaines collines.
Leur nature douce en faisaient des
victimes idéales.
D'autres tribus étaient traités
différemment. On pouvait par exemple vendre des armes aux Sea Dyaks
et les encourager à attaquer leurs voisins plus faibles, à
condition qu'ils reversent la moitié de leur butin au gouvernement
de Brunei. Le racket des plus forts contre les plus faibles était
monnaie courante. Et la passion des Sea Dyaks et des tribus voisines
pour collectionner les têtes était tout à fait propice à de tels
encouragements. La méthode s'était d'ailleurs étendu bien au delà
de leur territoire qui était au départ les rivières. Ils apprirent
des Malais les avantages de la piraterie de pleine mer.
De cette situation, James Brooke n'en
avait pas touché un mot.
Plus dangereux que les Malais :
les Illanums, de l'archipel des Sulus, originaires des Philippines et
qui opéraient sous le patronage du Sultan De Sulu. Trois ou quatre
mois de mer ne les rebutaient pas, leur champ d'action comprenait
toute la péninsule Malaise et Java, et leur repaire favori était
justement Marudu Bay, où James avait choisi d'aller.
En fait, au moment de notre histoire,
les pirates évitent plutôt les navires européens. L'année 1838
une flotte de bateaux Illanum a été anéantie par deux bateaux
britanniques au moment où ils attaquaient une jonque chinoise. Ce
qui n'empêche pas pour autant l'accroissement permanent du
phénomène, vu les conditions de vie désastreuse, phénomène qui
se retourne même parfois contre les Malais eux-mêmes.
C'est au beau milieu de ce chaos
qu'éclate la rebellion au Sarawak. Venu de Brunei pour lui prêter
main forte, un Pangiran nommé Usop lui promet l'aide du Sultan de
Sambas, mais en réalité toute son équipe passe du côté Dayak et
les aide à organiser la révolte. Hasim est dépassé car, le Sultan
de Sambas est soutenu par les Hollandais. Il décide alors de se
tourner vers l'Angleterre.
Et c'est ainsi qu'en 1838, lorqu'on lui
annonce l'arrivée d'un navire Britannique à l'embouchure du fleuve,
il n'a aucun doute : enfin une aide...
Et James lui amenait effectivement une
lettre du gouverneur et de la chambre de commerce de Singapour,
lettre de remerciement pour son attitude récente à l'égards
d'équipages Anglais en détresse qu'il avait su accueillir dignement
et fait ramener à Singapour à ses frais. Il y était même question
d'établir à sa cour une délégation Britannique.
D'un côté, Singapour surestimait le
réel pouvoir d'Hasim et son autorité, et de l'autre Hasim se
croyait enfin assisté.
Curieuse situation qui m'amène à cet
arrêt sur image, car c'est là que tout se joue : Hasim voit en
James Brooke un officier de sa majesté chargé de lui prêter main
forte. James étant simplement porteur d'une missive, certes
positive, mais sans plus. Lui, de son côté se sent comblé, il va
pouvoir poser des jalons et démarrer quelque chose, enfin la chance
lui sourit !
Et c'est sous ces auspices trompeuses
qu'il débarque à Kuching le 15 août. Arrivé en début du mois au
cap ouest de l'embouchure du Sarawak, il a fait parvenir un messager
à Hasim, lequel lui fait savoir qu'il l'attend...
Kuching
Kuching est une ville de
800 habitants, toute neuve. Makota l'a fait construire après la mise
à sac par les Dyaks de Katubong. A part quelques commerçant
Chinois, la population est constituée de Malais. Les nobles Malais
habitent plutôt Lida Tanah plus haut sur la rivière. Une grande
partie de la ville est faite des palais du Rajah, de Makota et de
leur suite de nobles. Les maisons sont construite à la façon
malaise, avec des pieux plantés dans la boue.
Le hall d'audience où
James est reçu le matin de son arrivée est une grande remise
somptueusement décorée de tentures. C'est une audience officielle
avec cérémonial et remise de cadeaux au Rajah. Dans la soirée
James parle avec le Rajah qui cherche à savoir qui est le plus fort
des Anglais ou des Hollandais ? James penche pour les Anglais,
et la discussion en reste là.
Le lendemain, il leur fait
visiter le Royalist.
Dans la soirée Makota lui
annonce que les Hollandais ont des vues sur Brunei et le Sarawak. Il
lui demande si l'Angleterre serait prête à intervenir en cas de
besoin. James lui répond que les Hollandais n'occupent jamais un
pays sans y avoir établi un comptoir avant. La meilleure des choses
est de ne pas accueillir de marchands Hollandais. Makota parle alors
des excellents marchands Anglais.
Avec Hasim et Makota,
James se sent bien. Ils lui assurent que la révolte n'est pas très
sérieuse. Il leur demande alors la permission de visiter le pays.
Makota lui ayant fait rencontrer un chef Dyak, il veut voir de ses
yeux un village Dyak. On lui donne la permission, pourvu qu'il reste
dans les endroits calmes.
Cette première expédition
fluviale ne le renseigne pas vraiment sur la situation. Les Pangirans
qu'on lui a donné comme guides le dissuadent de pénétrer en
territoire Dyak. Ils reviennent à Kuching au bout de quatre jours de
navigation dans un magnifique paysage, certes, mais très peu peuplé.
Une seconde tentative
l'amène quelques jours plus tard au village du chef que Makota lui
avait fait rencontrer. Enfin il découvre l'hospitalité Dayak, il
est reçu à Situngong dans une longhouse d'environ 200 mètres de
long, où vivent à peu près 400 personnes, les Sibuyoh.
Il ressort content de la visite, mis à
part une trentaines de têtes qui décorent les chevrons. On lui
explique que ce sont des têtes d'ennemis. Il ne sait pas encore
qu'un jeune Dyak doit amener une tête à sa belle famille pour
pouvoir se marier...
Il visite ensuite un village Chinois
construit quelques mois plus tôt, très impressionné par leur mode
d'organisation.
De retour à Kuching il retrouve Hasim
et prend le temps de parler avec lui. Il prévoit de rentrer à
Singapour à la fin-septembre mais décide de faire un détour chez
un chef pirate, accompagné de deux Pangirans. Il y est reçu
amicalement par le chef qui lui explique candidement son métier dont
maintes têtes font preuve tout autour d'eux, décorant la longhouse.
Les Pangirans le raccompagnent à son
bateau et lui adjoignent une petite escorte pour sortir de la baie,
et c'est l'escorte qui se fait attaquer par des pirates Saribas dans
la soirée du 28. Les canons du Royalist font fuir les attaquants,
mais il est plus prudent de redescendre à Kuching pour aviser et
soigner les quelques blessés.
Il leur est offert un somptueux banquet
et le lendemain tout l'équipage a droit aux adieux des hôtes Malais
en compagnie d'un Orang-Outang.
A Singapour, James est bien reçu par
les marchands, mais quand il raconte son parcours au Gouverneur, Mr
Bonham est moins enthousiaste. Discuter pour entamer des relations
commerciales est une chose, la politique en est une autre. James
s'était montré imprudent : si ses propos parvenaient aux
oreilles des Hollandais, qu'est-ce qui allait se passer ? James
comprend alors que son initiative n'est pas appréciée en milieu
'officiel' mais reste convaincu de ses opinions et de ses intentions.
Préférant attendre la fin du conflit
pour retourner au Sarawak, il décide d'en profiter pour réaliser la
seconde partie de son projet autour des Célèbes. Du 20 Novembre
1839 au 29 Mai 1840, le Royalist l'amène à la rencontre de peuples
amicaux ainsi que leurs dirigeants. De retour à Singapour il
envisage une visite d'adieu au Sarawak avant de retourner en
Angleterre en passant par Manille et la Chine.
29
Août 1840. Kuching. Découragé et fatigué.
Hasim et les Malais lui réservent un
accueil agréable, mais la rébellion n'a pas cessé. Au contraire
les forces des Dayaks rebelles sont à 30 miles de la ville. Pas
question de voyager dans l'arrière pays, et rien à faire à
Kuching. Pourtant à chaque fois qu'il parle de son départ, le Rajah
l'implore de rester, ajoutant qu'il ne peut compter sur personne
d'autre. Il propose à James de lui montrer son armée, aux ordres de
Makota, à LidaTanah, en amont de la rivière. Sa présence
encouragerait les troupes en même temps qu'elle impressionnerait les
rebelles. James accepte et les voilà ramant vers le front dans un
bateau chargé de vivres. Il trouve là une armée assez
extraordinaire, principalement constituée de Malais et quelques
Dayaks, plus enclins à se quereller entre eux qu'à attaquer
l'ennemi, ainsi qu'une petite troupe de Chinois bien mieux
disciplinée. Les deux camps postés derrières des palissades à
portée de voix les uns des autres et s'injuriant mutuellement.
Makota et ses commandants dévorant les provisions de James sans
s'occuper de son avis.
Rentré à Kuching, il apprend la mort
d'un des membres de son équipage et trouve un autre en train de
mourir.
De nouveau il veut partir, de nouveau
Hasim le convainc de rester en ajoutant que des Dyaks, affaiblis par
la faim, sont prêts à se rendre. James accepte de retourner au
front après avoir embarqué quelques canons du Royalist. Les
rebelles sont effrayés, mais Makota et son conseil de guerre ne veut
rien tenter, ni attaque, ni négociation avec James.
Nouveau retour à Kuching, James ne se
fait plus d'illusions et le 4 Novembre il annonce fermement son
départ. C'est alors qu'Hasim lui propose, au cas où il reste, de
lui laisser le pays de Siniawan et de Sarawak, son gouvernement et
son commerce, et il lui suggère même qu'il peut devenir Rajah.
James est tenté.
Il est trop prudent pour accepter mais
il ne décline pas l'offre et accepte de rester.
A son retour il trouve l'armée en
meilleur état. Il y a là Bedruddin, un frère de Hasim, un prince
nettement plus réactif que ses congénères. James trouve enfin un
allié pour agir, jusqu'au moment où Bedruddin est rappelé par
Hasim.
Retournement
James trouve alors le moment propice
pour agir avec son équipage et l'aide de Si Tundo, un Malais. Ils
prennent un groupe d'insurgés à revers, lesquels acceptent de
parlementer avec James. Le chef des rebelles, un dénommé Matusain,
s'avance alors sans armes et lui demande de leur garantir la vie
sauve s'ils se rendent. James ne peut rien promettre, seulement leur
apporter son soutien, la décision appartenant au Rajah.
La négociation avec Hasim et Makota
est difficile, mais James l'emporte en remettant en cause sa
présence. Les rebelles voient leurs biens confisqués, les femmes et
les enfants sont amenés à Kuching, mais personne n'est tué.
Arrive ensuite la question de l'offre
de Hasim. Son titre de régent ne lui permet pas de décider de
l'avenir du pays. C'est du ressort du Sultan, et Hasim a des doutes,
il craint que son absence de Brunei lui ait fait perdre son
influence, laquelle diminuerait d'autant si le bruit se répand qu'il
veut donner la province à un Anglais. Il ne lui semble pas possible
de quitter le Sarawak dans un tel état chaotique, Makota
inévitablement provoquerait une nouvelle rébellion... La seule
chose qui lui semble envisageable est de demander au Sultan un
permis pour que James s'établisse au Sarawak. Quand James proteste,
Hasim lui dit que c'est juste une première étape pour que le Sultan
se fasse à l'idée d'un Anglais sur son territoire.
James n'avait plus confiance en lui,
encore moins en Makota qui venait de faire mettre à sac un ex
village rebelle et partait maintenant pour Brunei. Hasim ne se voyant
pas laisser le Sarawak aux mains de James, se retrouve coincé.
James prend alors la décision d'aller
à Singapour et exige qu'à son retour on lui ait construit une
maison, mis de côté une certaine quantité d'antimoine et qu'un
document pour régulariser sa position soit prêt pour le faire
signer au Sultan. Il reviendra avec un cargo de marchandises pour le
transport de l'antimoine, espérant mettre en route un commerce
régulier.
Il s'est enfin fait à l'idée de
s'établir au Sarawak en tant que dirigeant.
Peu avant le départ arrivent à
Kuching des nouvelles au sujet des pirates de la côte. Un Pangiran
envoyé pour enquêter revient avec une demande d'un chef pirate qui
demande l'autorisation de rencontrer le Rajah Muda. Il était
soupçonné d'avoir l'intention de capturer le Royalist. James,
curieux de le voir, insiste pour que Hasim le reçoive. Bientôt
arrive une flotte de 18 splendides vaisseaux Illanum. James est
invité à visiter l'un d'eux et à discuter avec les chefs qui lui
parlent franchement du plaisir du métier, qui n'a plus rien à voir
avec ce qui se pratiquait du temps de leurs ancêtres. Ils
naviguaient depuis trois ans et la plupart des bateaux avaient été
pris aux Bugis.
Tant que la piraterie à Bornéo en
est à ce stade, réalise James, les Européens peuvent toujours
essayer de protéger leurs bateaux et leurs ports...
De Février à Avril 1841 il est à
Singapour, en quête d'un bateau. Il ne trouve rien sauf un schooner,
le Swift, pas vraiment idéal comme cargo, et cher, mais n'ayant pas
le choix, il l'achète et le remplit de tout ce qu'il peut trouver.
Mr Bonham lui fait bonne impression malgré son annonce d'entrée en
politique. Pareil chez les Hollandais. En 1842, M. Bloem,
Assistant-Résident aux Sambas, avait écrit à James en lui
enjoignant de ne pas se mêler de la politique de Bornéo. Des
rumeurs étaient parvenues à la Hague. Mais , après enquête, un
diplomate Hollandais à Londres avait conclu que Mr Brooke semblait
travailler pour la Société Royale Géographique.
A son retour à Kuching, James ne
trouve ni maison, pour lui, ni antimoine et rien de plus n'a avancé
en ce qui concerne son titre. Makota est rentré de Brunei plus
puissant que jamais. Il découvre également que les Sea Dyaks, en
connivence avec Makota et sans doute aussi Hasim, préparent une
expédition contre les Land Dyaks et les Chinois. Par ailleurs il
apprend que Si Tundo, le Malais avec lequel il a attaqué les
rebelles, a été mis à mort par ordre de Hasim.
Sa colère pousse Hasim à agir. Une
maison est construite en un temps record, de l'antimoine est
collectée et l'expédition contre les Dyaks et les Chinois est
abandonnée. Ces événements perturbent Hasim au point qu'il se
réfugie chez lui en se disant malade. Mais il a encore besoin de
l'aide de James ; et James besoin de lui pour devenir gouverneur
et il voit qu'il lui faut encore patienter.
Il se sent de plus en plus estimé. Les
Dyaks et les Chinois le considèrent comme leur sauveur. Il est de
plus en plus impressionné par les Chinois. Il pense que ce serait
d'excellents alliés. Il profite de cette période pour se documenter
sur les tribus et sur les coutumes locales.
En Juillet, on apprend qu'un navire
Anglais, le Sultana, a fait noufrage au large de Brunei et que
l'équipage est prisonnier du Sultan. Hasim promet de s'en occuper
mais n'entreprend rien. James, après un entretien tendu avec lui,
décide d'envoyer le Swift chrgé d'antimoine à Singapour et le
Royalist à Brunei pour enquêter sur l'équipage capturé. Il veut
rester seul dans sa maison.
Le 2 Août, James tient dans ses mains
une lettre de Mr Gill, Capitaine du Sultana, expliquant que lui et
deux hommes de son équipage ont été relachés pour aller à
Singapour mais que leur bateau a été démâté, qu'ils n'osent pas
réparer à cause des pirates, et que le reste de l'équipage ainsi
que quelques femmes sont encore prisonniers à Brunei dans des
conditions désastreuses.
Et puis les deux bateaux reviennent. Le
Royalist a été très mal accueilli à Brunei, avec interdiction de
voir les prisonniers, mais le Swift a obtenu des autorités de
Singapour l'envoi du Diana, un East Indiaman, à Brunei. Cette
démonstration de force déclenche immédiatement la libération des
gens du Sultana.
L'incident rehausse considérablement
le prestige de James. L'arrivée du Diana en armes juste après
l'accueil discourtois du Royalist ayant été interprété par les
autorités de Brunei comme un soutien de l'Angleterre à James
Brooke. De la même façon, quand ils entendent le témoignage des
marins du Sultana, les gens de Singapour sont impressionnés par son
influence à Bornéo. James, de son côté, est tout a fait conscient
du côté illusoire de la situation.
L'attitude haineuse de Makota devient
plus en plus flagrante . James s'aperçoit que les Malais
n'osent pas venir chez lui par peur des agents de Makota. L'un d'eux
a même tenté d'empoisonner son interprète Malais en versant de
l'arsenic dans son riz. Il décide de prendre les choses en main.
Il fait amener les canons du Royalist,
les pointe sur le palais, et, à la tête d'un petit détachement,
demande une audience immédiate à Hasim.
Il lui rapporte les dernières
intrigues de Makota envers lui et envers Hasim, ajoute que ce sont
les exactions de Makota qui ont déclenché la récente révolte et
termine en affirmant qu'il est lui même en excellent termes avec les
Dyaks et les chefs Malais locaux, et que ces derniers le
soutiendraient dans un combat contre Makota.
Hasim est à la fois effrayé et
soulagé. Il ne peut pas imaginer de permettre une nouvelle rébellion
avec James Brooke comme chef, et en plus il ne croit plus en Makota.
Il se met alors à rédiger un document statuant publiquement et
sincèrement qu'agissant en pleine conscience il donnait à James le
gouvernement du Sarawak et ses dépendances, en contrepartie d'un
paiement annuel au Sultan de Brunei et de la promesse de respecter
les lois et la religion du pays.
Le document, dûment signé est envoyé
à qui de droit et, le 24 Novembre 1841, James Brooke est
officiellement proclamé Rajah et Gouverneur du Sarawak.
Le règne a commencé, mais la position
du nouveau Rajah est incertaine. Makota est défait et ses
prochesl'abandonnent publiquement, mais il a encore de l'influence.
Son titre de gouverneur n'a pas été abrogé par le Sultan. Hasim
reste encore à Kuching comme représentant du Sultan dont James
reste tributaire... Et le Sultan n'a encore pas décidé du transfert
d'autorité. Et si James peut se prétendre Rajah dans ses
déclarations au peuple du Sarawak, il ne le fait pas lorsqu'il
communique avec le monde extérieur.
En Angleterre, aucun mot sur le fait
qu'un citoyen Britannique est devenu le souverain d'un territoire
étranger. Les Hollandais sont plus au courant. Un rapport du Député
Gouverneur Général des Indes arrive à La Hague à la fin 1841
faisant état qu'un Anglais qui s'était établi au Sarawak fait
maintenant partie du gouvernement, que le Sultan de Sambas, vassal
des Hollandais, craint que l'ouverture du Sarawak ne nuise à son
commerce. Mr Bloem, l'Assistant Résident qui avait encouragé la
rébellion, se voit muté pour cet excès de zèle. Pour conclure, le
rapport précise que si les autorités Hollandaises n'aiment pas que
des citoyens interfèrent dans les affaires indigènes, quelque chose
doit être fait pour enrayer 'l'entreprenant aventurier' que
représente la personne de James Brooke.
Mais rien n'est entrepris. La Hollande
n'est pas en mesure de mettre en œuvre une expédition d'envergure
sur Bornéo, qui par ailleurs pourrait occasionner des frictions avec
le gouvernement Britannique.
James Brooke a donc le champ libre pour
entamer son règne, aucune complication ne pouvant émaner de la
Hague ni de Londres.
Ce que je viens d'écrire est directement traduit du livre en Anglais de Steven Runciman "The White Rajah's"(on le trouve sur le net en PDF). Long et difficile pour moi, une traduction, mais nécessaire.
Mon but est de mettre cette histoire à jour, tellement elle me semble décalée par rapport au reste du monde. Et puis l'exemplaire qui me sert fait aussi partie de l'histoire puisqu'il m'a été prêté par Célia, l'arrière petite nièce de James. Et je ne pourrais même pas le lui rendre ! J'ai appris son décès en cherchant de ses nouvelles sur le net. Elle est morte en 2011.
J'ai trouvé aussi sur le net un recueil de lettres de James Brooke des années 1850. J'y viendrai par la suite.
Si dans un premier temps notre 'aventurier' a le champ libre, cela ne dure pas. Les grandes puissances vont bientôt se réveiller...Cette période lui donne malgré tout le loisir de mettre en place un système pérenne, qui respecte les humains.
Et qui durera un siècle.
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L'histoire n'est pas finie, ..... patience.....
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