Tout ce que fait le pouvoir de l'Univers se fait dans un cercle. Le ciel est rond et j'ai entendu dire que la terre est ronde comme une balle et que toutes les étoiles le sont aussi. Les oiseaux font leur nid en cercle parce qu'ils ont la même religion que nous. Le soleil s'élève et redescend dans un cercle, la lune fait de même, et tous deux sont rond. Hehaka Sapa

mercredi 11 décembre 2024

Le Camion Russe

 



  Un soir des derniers jours de 2020, je rentrais chez moi après une soirée chez des amis , bien après l’heure du couvre feu, content d’avoir pu rencontrer ce jeune couple de maraîchers pour les renseigner sur la résilience alimentaire.


  Personne sur la route.


  Et puis tout à coup, à moins d’un kilomètre de ma petite maison dans les bois, sur cette petite route où on a du mal à se croiser, j’aperçois un énorme poids lourd à l’arrêt, nettement en biais par rapport à la route, et qui bloque le passage.


  Je me gare à quelques mètres et j’avance à pieds.


  Immatriculé en Lituanie, sans doute égaré par un gps mal réglé, j’apprends par le chauffeur qu’il a tenté de faire marche arrière, n’ayant pas pu passer le prochain virage en épingle. Le chauffeur parle russe à son téléphone et me fait lire la traduction française sur l’écran. Et je lui répond par le même système.

  La cabine du camion fait un angle de 60 degrés avec la remorque et sa roue arrière gauche est dans le fossé, son essieu est posé sur le goudron.


  Il est occupé à remercier un automobiliste qui a essayé avec son 4x4 et une sangle de l’aider à sortir du fossé , lui même a tenté de bâtir sous la roue un tas de cailloux pour aider, mais rien n’y a fait.


  L’homme s’en va en me souhaitant bonne chance et je reste avec ce chauffeur souriant mais épuisé qui m’explique qu’il n’a rien à faire en France, qu’il devait juste traverser de l’Espagne à la Belgique, mais que son gps en a décidé autrement.


  Je n’ai aucune idée de comment le tirer de là. Je pense à un gros hélico de l’armée pour l’hélitreuiller, mais ce n’est vraiment pas mon domaine. Je lui dit qu’il faut appeler la gendarmerie mais il a peur de perdre son job. Il me demande si je connais un tracteur. Non, les seuls que je connaisse sont loin et pas assez puissants. Et malgré ses craintes, je finis par appeler la gendarmerie.


  Il n’a pas le choix. Je le rassure en lui disant que je vais rester jusqu’à ce qu’il soit dépanné, mais avant je dois libérer la route en ramenant mon fourgon chez moi par un autre chemin et comme j’habite un peu plus haut, je reviendrais à pieds.


  Pour lui remonter le moral, je lui parle de Vissotsky. Vladimir Vissotsky, ce magnifique chanteur russe. Il sourit en me demandant comment je le connais…


  Je reprends la route en sens inverse et reçois un appel de l’équipe de gendarmes qui doit venir et me demande de leur préciser l’endroit exact . Je leur explique en ajoutant que je les rejoindrais car le chauffeur est assez déprimé et que je veux l’aider dans son épreuve.


  Je ramène donc mon fourgon chez moi et je marche jusqu’au camion dans la nuit. Les gendarmes sont là. Ils sont trois . Le chauffeur est assis dans sa cabine et il sort, content de me retrouver. Les gendarmes ont appelé un dépanneur qui doit arriver d’ici une heure.


  Alors s’engage une conversation étonnante avec ces trois messieurs en bleu. Ils me questionnent sur les événements en cours. Nous sommes en pleine période de confinement covidesque et ils ne m’ont rien dit concernant ma présence tardive hors de mon domicile, ni demandé mon attestation de sortie, ni verbalisé mon absence de masque sur mon visage.


  J’ai l’impression de discuter avec trois enfants curieux de pouvoir enfin dialoguer avec un être vivant ordinaire. Je leur demande pourquoi ils ne se mettent pas du côté du peuple, au lieu d’obéir à des ordres gravement stupides. Ils me répondent que le peuple est muet, qu’ils ne sentent pas une réelle indignation qui les inciterait à agir de la sorte. Ils me parlent aussi de leurs conditions de travail pitoyables, des heures qu’ils passent , comme ce soir, à oeuvrer pour résoudre des problèmes, sans contrepartie véritable…


  Et enfin arrive l’équipe de dépannage. Un énorme engin muni d’un gros treuil et d’un âable digne d’un remorqueur de haute mer. Le chef dépanneur explique qu’ils vont accrocher leur câble à l’arrière de la remorque pour la tirer vers l’arrière jusqu’à ce que la cabine revienne sur la route.


  Je leur fait remarquer qu’en faisant ça, la roue motrice qui est dans le fossé va y rester et ce mouvement entrainera la roue avant dans le même fossé, et, cerise sur le gâteau, que le poteau électrique qui est entre la remorque et la cabine va se faire arracher !


  Le chef gendarme est offusqué. Il me fait taire en disant que je ne suis pas dépanneur et que je dois me mettre en sécurité sur le côté de la route. Non mais !

  J’ai beau lui dire que j’ai 45 années de bâtiment et que je connais les forces, rien n’y fait.


  Un ordre c’est un ordre. J’obéis.


  Et les deux dépanneurs mettent leur câble à l’arrière de la remorque, mettent en route l’énorme treuil … et le câble tire… tire encore cet énorme camion jusqu’à ce que le chauffeur enfonce son klaxon et sorte de sa cabine en montrant le poteau électrique qui va se faire effectivement arracher, et la cabine qui commence à virer dans le fossé…


  De l’endroit où j’étais, j’avais examiné attentivement le lieu et j’avais trouvé la solution en la personne d’un arbre, un gros chêne-vert, qui se trouvait juste dans l’axe de l’essieu des roue motrices, bien enraciné dans le talus sous la route. Je propose alors aux dépanneurs de protéger cet arbre avec une sangle et d’y accrocher une poulie pour que leur câble puisse tirer directement l’essieu des roues motrices latéralement et extirper la roue du fossé.


  L’un des deux dépanneurs comprend instantanément et part en courant chercher une sangle et une poulie. Et ils installent tout ça autour de l’arbre. Les gendarmes sont silencieux. Je reparle de Vissotsky au chauffeur.


  Et cette seconde manœuvre amène le résultat escompté : le camion est à nouveau aligné, cabine et remorque, les roues motrices sont ok pour mouvoir à nouveau les dizaines de tonnes qu’elles ont amené depuis l’europe de l’est, et le chauffeur prend les dépanneurs à part pour essayer de négocier le dépannage à la baisse.


  Un gendarme m’explique qu’ils font tous ça, les gens de l’est, mais que ça ne marche pas. Et effectivement le chauffeur revient, suivi des dépanneurs, avec un petit sourire discret.


  Le chef gendarme dit alors qu’ils vont s’en aller, qu’ils n’ont plus besoin d’être là.


  Je suis juste en face du chêne-vert, avec trois gendarmes à ma gauche, le chauffeur et deux dépanneurs à ma droite et je dis haut et fort :


« Personne ne s’en va ! »


Puis, je tend le bras vers l’arbre et je continue :


« d’abord, on remercie l’arbre ! »


  Je me tourne vers le chauffeur à ma droite que je vois tout souriant, les mains jointes tendues vers l’arbre, qui n’a pas eu besoin de traduire mes paroles en russe pour honorer l’arbre. Et nous restons ainsi en silence pendant une bonne minute, assistés silencieusement par cinq humains étonnés autant que émus, jusqu’à ce que nos deux regards se croisent et décident de mettre fin à la scéance.


  Je me tourne alors vers les gendarmes que je remercie en leur serrant la main à chacun, et l’un d’eux a cette parole :

 « Ah ! Ça fait du bien une bonne poignée de main chaleureuse ! »


   Et ils quittent les lieux en silence.


  Le chauffeur me serre dans ses bras et m’explique que je suis le bienvenu chez lui quand je veux.


  Je reste encore une bonne heure pour seconder les dépanneurs à orchestrer le demi-tour d’un semi remorque sur une petite route de montagne.


  Et je regarde partir ce convoi surréaliste vers la plaine, en espérant qu’aucun véhicule ne cherchera à venir en sens inverse provoquant encore une alerte chez les gendarmes. Ils doivent dormir… laissez les tranquille…


L’esprit de l’arbre veille sur leur sommeil !





vendredi 18 novembre 2022

Anthony Brooke, un artisan de Paix

 

 Le travail de Peace Through Unity a commencé en 1946 lorsque Anthony Brooke, Rajah Muda de Sarawak, a été appelé à aider les peuples autochtones du Sarawak à défendre leurs droits contre la puissance de l’Empire britannique. Pendant 5 ans, il a mené une lutte non-violente conformément aux principes de la Charte des Nations Unies, et a trouvé la vocation qui le définirait pour les 64 prochaines années.

 Au début de l’an 2000, Peace through Unity a lancé un projet de sculpture sur la culture de la paix dans la ville de Wanganui en Nouvelle-Zélande.
 

La dynastie Brooke, connue sous le nom de « White Rajas », a gouverné le Sarawak en tant qu’État souverain indépendant de 1841 à 1946, lorsqu’elle est devenue une colonie britannique. Depuis 1963, elle fait partie de la Fédération de Malaisie. Le Sarawak était à l’origine une province de Bornéo. En 1841, le sultan l’avait cédé à James Brooke en reconnaissance de son aide dans la gestion d’une rébellion locale.

Anthony Brooke a été nommé Rajah Muda de Sarawak le 25 août 1937. Après la Seconde Guerre mondiale, Anthony a entrepris une campagne de cinq ans avec le soutien de divers groupes locaux de Sarawak contre l’annexion de Sarawak en tant que colonie britannique en 1946.

  Anthony Brooke vécut pendant diverses périodes à Londres, dans le Sussex et dans la communauté Findhorn en Écosse. En 1982, il épouse une militante de la paix : Brigitte (Gita) Keller (née en 1931 à Copenhague du révérend Paul H. Lange), qui fonde l’Opération Paix par l’Unité (OPTU) en Suède en 1975. 

De 1987 jusqu’à la mort de Brooke en 2011, ils ont vécu ensemble à Wanganui, en Nouvelle-Zélande. Brooke était  voyageur et conférencier, très actif à faire connaître les mouvements pour la paix et la compréhension universelle. 

 

 

 

En 2001, avec l’aide de la Galerie d’art régionale, et avec l’approbation du conseil du district de Wanganui qui a fait don du site sur un terrain public, un concours de conception de sculpture sur la culture de la paix a été organisé pour tous les artistes de la région. Le nom du gagnant a été annoncé lors d’une célébration multiculturelle à la galerie.

La conception « Handspan », choisie par 3 juges indépendants, est une grande œuvre d’art, de près de 20 mètres de diamètre, qui s’élève dans un double chemin en spirale à une hauteur d’environ 3 mètres avec des murs de chaque côté, recouvert de quelque 4000 moulages à la main en terre cuite réalisés à partir d’empreintes à la main de membres de la communauté de tous âges (de 3 mois à 106 ans) – chacun étant nommé

.

 

Le 18 septembre 2001, le terrain où la sculpture devait être construite a été béni lors d’une cérémonie spéciale de l’aube.



La construction a été réalisée grâce aux compétences et à la collaboration de personnes de nombreuses parties de la communauté : artistes, ouvriers de la construction, électriciens, plombiers, plâtriers, architectes et ingénieurs ainsi que tous ceux qui ont contribué à la sculpture.



Le 21 septembre 2002, la première Journée internationale de la paix a été consacrée à une culture de paix et de non-violence pour les enfants du monde par le Gouverneur général de la Nouvelle-Zélande lors d’une cérémonie sur la colline historique au cœur de la ville de Wanganui, le Musée régional, la Galerie d’art, la Bibliothèque publique et le Monument commémoratif de guerre.

Un livre de format table basse intitulé « Wanganui Culture of Peace – 2002 » a été publié à titre de souvenir et de document public, décrivant en images et en textes le processus de construction de la sculpture, les pensées qui la sous-tendent et les personnes impliquées. Commandez une copie ici.


 Anthony Brooke est décédé chez lui à Wanganui le 2 mars 2011, à l’âge de 98 ans. Sa mort coïncide avec l’anniversaire de la mort de deux des quatre membres du Mouvement antiterroriste de Sarawak, Rosli Dhoby et Awang Ramli Amit, pendus à la prison centrale de Kuching le 2 mars 1950, tandis que les deux autres, Bujang Suntong et Morshidi Sidek, ont été pendus le 27 mars.

 Encouragé par le soutien d’Anthony Brooke dans l’exploitation de cet héritage unique pour le bien social, le fils d’Anthony, James, et ses deux petits-fils, Jason et Laurence, ont établi le Brooke Trust, pour inspirer, informer et enrichir les communautés par des projets socialement responsables liés à la riche histoire et au patrimoine des Brookes.

 Le Brooke Heritage Trust a déclaré que les cendres de Brooke seraient enterrées, selon son dernier souhait, au cimetière de la famille Brooke, près du fort Marguerita à Sarawak, le 21 septembre 2013. À cette date, lors d’une cérémonie privée en présence de l’épouse de Brooke, Gita, de son petit-fils, Jason Brooke, du haut-commissaire adjoint britannique, Ray Kyles, et du haut-commissaire néo-zélandais, David Pine, les cendres de Brooke ont été enterrées près du fort Marguerita. 

En 1989, je reçois depuis quelques mois les publications de Peace Through Unity et je décide, avec l'accord des fondateurs Gita et Anthony, de créer une version française que je nomme "Pour". J'ai même eu la chance de rencontrer Anthony chez sa fille qui vivait dans ma région. 

"Pour" durera un an, faute de moyens...

La mort d'Anthony est  en lien avec la date de la mort de deux de ses amis de Sarawak, et je me permet d'ajouter que la date de l'inauguration du monument pour la paix,  journée mondiale pour la Paix, en lien avec la date de l'enterrement de ses cendres au Sarawak, est aussi ma date de naissance...

mercredi 26 janvier 2022

La 432, Si on allait un peu plus loin ?

 Par ce dialogue imaginaire, j’ai voulu rassembler les réflexions qui me sont venues depuis que j’entend parler de ce phénomène.

 Je pratique la musique depuis plus de cinquante ans, et il me semble important d’éclaircir les notions de base telles que les fréquences et les gammes dont
beaucoup parlent sans vraiment savoir sur quoi tout cela est construit. 

Le scène est simple : ce sont deux amis qui discutent tranquillement.
 

- Alors voilà, j’entends parler depuis un certain temps d’une théorie qui prétend que le La qu’on
utilise pour s’accorder n’est pas bon, et qu’il faut passer au La 432...
Comment peut-on affirmer une chose pareille ?
C’est basé sur quoi ?
 

- Le La qu’on utilise pour s’accorder est et a toujours été une convention entre musiciens
pour jouer ensemble. Depuis qu’on utilise un diapason, sa fréquence n’a pas cessé
d’augmenter et actuellement le La 440 commence à céder le pas au La 442. Il existe effectivement un courant de pensée en faveur du La 432. Ce courant séduit beaucoup de gens pour des raisons de bien être, de résonance planétaire, et tout un tas d’arguments assez séduisants.
Je vais tout d’abord te montrer d’où vient cette valeur de 432.
La façon la plus simple de résumer les choses c’est de reprendre la définition du mot Fréquence.
On nomme fréquence d’un son le nombre de vibrations produites dans l’air en une seconde.
Un son pur, qui reste à une même fréquence, produit d’autres fréquences, multiples de sa fréquence propre et c’est ce faisceau de fréquences qu’on nomme harmoniques.
La gamme est issue de ces harmoniques.
Notre gamme de Do contient sept notes et chacune d’elles est issue d’une harmonique du Do initial.
Le Do engendre un autre Do à l’octave (le double de fréquence), puis un Sol (triple de fréquence), puis un autre Do (quadruple de fréquence), puis un Mi (quintuple...) et ainsi de suite.
 

- Et ça s’arrête quand, ces harmoniques ?
 

- En théorie, ça ne s’arrête pas, mais en fait, tout dépend de ce qui est activé par la note. Les résonateurs peuvent amplifier certaines harmoniques et pas d’autres, mais je vais te montrer d’abord ceci :
Considères que le Do de départ a une fréquence de 1 herz, donc une vibration par seconde.
- mais 1 herz, c’est inaudible !
-Oui, attends un peu...c’est inaudible, mais la vibration existe et, avec elle les harmoniques aussi.
Le double de fréquence donne l’octave. Donc ce Do 1 engendre le Do 2, puis le Do 4, puis le 8, le 16, 32, 64,

-Et les autres harmoniques alors ?
-Le triple de fréquence donne ce que tu nommes quinte. En Do, la quinte c’est le Sol. Donc 3, 6, 12, 24, 48, 96... sont des Sol.
Do 1 donne Sol 3 (triple de fréquence du Do 1), qui donne Ré 9(triple de fréquence du Sol 3), qui donne La 27 (triple de fréquence du Ré 9)...
(Voir note 1, formation de la gamme naturelle)
Et de la même façon, Do 16 donne Sol 48, qui donne Ré 144, qui donne La 432 !
 

-OK ! Le La 432 est donc tout simplement issu de cet enchainement des harmoniques en partant du
Do à 1 herz !
- Tout simplement.
Mais avec un petit bémol...
- Vas-y !
- Ce que je viens de te montrer est vrai dans l’absolu. La gamme engendrée par les harmoniques pures d’un son fondamental est appelée Gamme Naturelle. Or celle qu’on utilise en occident n’est pas la même.
- Mais pourquoi ?
- Parce qu’à une époque, on a triché. Bon, légèrement, mais c’est tout de même une tricherie.
La gamme naturelle ne permet pas ce qu’on appelle la transposition.
 

- Transposition...Kézaco ?
- En gamme naturelle, les intervalles entre les notes ne sont pas des tons et demi tons. Il y a des grands tons, des petits tons, des grands demis tons et des petits demi tons.Si tu joues en Do et que tu veux jouer en Ré, les notes de la gamme de Do ne vont pas exactement correspondre à celle de Ré. Pour obtenir plusieurs tonalités sur un même instrument, Jean-Philippe Rameau a décidé de créer ce qu’il a appelé le Tempérament. Les degrés de lagamme naturelle sont inégaux. La gamme tempérée corrige ces inégalités en faussant légèrement les intervalles des quintes, des tierces, des septièmes, pour obtenir des tonségaux et des demi-tons égaux.
- Mais... c’est incroyable de faire un truc pareil de la part d’un musicien !!
- Oui, tu peux le dire, mais ça a quand même ouvert des possibilités qui n’existaient pas
avant...
- OK, mais la justesse, alors ?
- Rameau a décrété que la différence serait imperceptible. Or ce n’est pas vrai. Vas jouer avec un musicien Arabe, par exemple, il va t’expliquer le quart de ton, ne serait-ce que ce petit détail.
- Et alors il a changé quoi , Rameau ?
- Il a décidé que enchaînement de douze Quintes devait être égal à sept Octaves.

-Et c’est faux ?
- Fais le calcul : A partir d’un Do 64, la septième octave donne un Do 8192
a partir du même Do 64, la douzième quinte donne 8303,76...
Et pour créer sa gamme chromatique, il réduit l’intervalle de quinte de un douzième de la différence de façon à pouvoir accorder ses clavecins et tous les instruments à gamme tempérée.
Et tous les accordeurs de pianos savent ceci, et faussent les quintes pour caler les douze tonalités sur un même instrument. Ils utilisent aussi une autre façon qui consiste à élargir les octaves pour ne plus fausser les quintes. Mais c’est toujours une gamme tempérée, donc faussée.
 

- Et alors, notre La 432 ?
- Et bien il subit les mêmes contraintes que les autres notes.
Si tu accordes un piano avec ce diapason, tu vas devoir fausser soit les Quintes soit les Octaves, car il te faudra tempérer ton piano.
 

- Et alors pourquoi cet engouement pour cette fréquence 432 ?
- Oh, quelqu’un à qui on avait du montrer ce que je viens de te montrer à partir du Do à 1herz, qui amène des La à 27, 54,108,216 et 432.
Ce n’est pas un dogme, c’est une façon claire d’expliquer comment se produisent les notes à partir d’un son pur.
Mais tout ça est à prendre avec du recul, car la notion de fréquence est liée à la notion de temps.
- Mais le temps est le même pour tout le monde ?
- Oui, tout le monde, ou presque compte le temps en heures, minutes et secondes. Mais as tu remarqué que, si c’est le système sexagésimal qui sert à diviser le temps, les divisions de la seconde, eux, sont liés au système décimal. On compte les dixièmes de secondes, les centièmes , etc jusqu’aux nanosecondes, et plus encore.
- Bon, mais où veux tu en venir ?
- Au fait que la notion de seconde, de minutes , même d’heure est arbitraire. A l’époque révolutionnaire on avait pas seulement modifié le calendrier , mais le comptage du temps.
Dix heures pour un jour, cent minutes pour une heure et cent secondes pour une minute.(2)
- Sans blague ?
- En « temps décimal »,le La 432, ne définirait pas du tout la même fréquence (100.000 secondes en jour décimal, 86400 secondes en jour sexagésimal)
L’engouement pour le chiffre aurait été le même, mais la note aurait été nettement plus aigüe.
- Bien vu !
- Ajoute à ça la notion de température. Qui modifie la vibration du diapason de façon perceptible.(3)  Et puis, autre chose : demande à un violoniste, ou violoncelliste de te jouer un glissando du grave à l’aigu, posément, et exerce toi à distinguer si parmi les fréquences qui sonnent certaines sont bonnes ou mauvaises.
- Oui, c’est un peu comme de demander à un maçon quelle est la meilleure longueur pour construire !
- Voilà.
Au passage...Sais-tu pourquoi il est interdit à une armée de marcher au pas en franchissant un pont ?
- Parce qu’il risque de faire écrouler le pont !
- Oui. Doit-on en déduire que la fréquence de la marche est néfaste ?
- Non. On se comprend. C’est seulement si la fréquence propre du pont est identique à celle du pas des soldats que le pont va s’écrouler.
- Voilà. Et bien ici, c’est la notion de justesse qui apparaît. Car en musique la justesse entre deux fréquences (deux chanteurs ou deux instruments) amène une amplification des deux notes produites et, même, en fonction de la résonance, une note « résultante » des deux premières apparaît et bonifie les deux.
La ‘petite’ différence de la gamme tempérée que Rameau minimise prive en réalité de cette harmonique ‘fantôme’ qui vient nimber la justesse des musiciens.
L’air ambiant qui reçoit les deux notes en rapport de justesse joue le même rôle que le pont :
il amplifie.
Le pont étant rigide éclate alors que l’air transmet sans limites .
Or les personnes qui portent aux nues le La 432 incitent tous ceux qu’ils rencontrent à écouter leurs musiques favorites en les modifiant avec un logiciel qui transforme le diapason
440 en 432.
- Et alors ?
- Cette tranformation ne modifie en rien la gamme tempérée qui est utilisée au départ. Tous les intervalles restent légèrement faussés, comme je te l’ai déjà montré.
- Bien compris.
Un dernier conseil pour conclure ?
- Oui, et même ... le plus important !
Je n’ai pas encore évoqué le pouvoir de l’intention. En musique comme ailleurs, c’est l’intention qui va déterminer la beauté. Si tu joues parfaitement tu seras admiré . Mais la beauté de la musique n’est pas liée à la perfection. Si tu n’as aucune émotion, aucun sentiment, tu déclencheras uniquement l’admiration.
- C’est un bon début, dis moi !
- Pas pour moi. La musique la plus humble, la plus simple peut amener une telle émotion que rien ne peut remplacer. Que tu exprimes cette émotion en La 432 ou toute autre fréquence (révolutionnaire ou martienne si tu veux) tu comprendras ce que je veux dire.

Postface
Ces considérations m’ont permis découvrir un nouvel horizon.
Cette idée de fréquence idéale me semble tellement désuète...
Lorsque je reprends l’explication des harmoniques d’un son, je pars de la fréquence de 1 Hertz.
Or, entre un hertz et deux hertz, il y a une infinité de possibilités, donc à chaque fois un faisceau d’harmoniques donnant naissance à une nouvelle tonalité.
C’est ce que j’ai tenté de faire apparaître en parlant du glissando.
On entre alors dans un monde fractal, qui me semble plus exact que cette vision limitée qu’a apporté Rameau et sa gamme « Tempérée ».
La gamme tempérée a entrainé la croyance (tout du moins en Occident) en une musique limitée à douze tonalités.
Ces douze tonalités (faussées pour tenir la route) étant toutes indexées à un diapason tout puissant.
Un La 440, ou 432, bref, un chef de file que tout musicien doit considérer comme fondamental.
Or la nature ne connaît pas ce genre de procédé.
 

Lorsque la théorie de la terre plate a laissé la place à notre réalité sphérique, on a mieux compris le cosmos et on s’est ensuite rendu compte que des civilisations antérieures avaient déjà intégré la sphéricité de notre planète.
Dans un ouvrage paru l’an dernier (https://livre.fnac.com/a12894915/Philippe-Champagne-Du-haut-et-du-bas ), j’expose ce que j’appelle la Sphéricité de la réalité. Une sorte d’exhortation à en finir avec l’approche bidimentionelle de la réalité. La terre plate est encore très présente dans toutesles écoles, puisque tout ce qui s’y transmet se fait en deux dimensions (tableaux de classe, bureaux,
cahiers, livres...) au point de faire paraître l’espace tridimentionnel comme extrêmementcompliqué... Alors que c’est tout l’inverse.
Le vivant est naturellement tridimentionnel.
 

Le La 432 , résonance de la terre ?
Hors contexte musical, je me suis renseigné sur ce qu’on appelle la résonance de Shumann,(4) phénomène avéré et largement documenté, qui donne la fréquence fondamentale de la cavité située entre la surface de notre planète et la Ionosphère à 7,8 Hz.
Très proche de 8, donc du Do4 de notre exemple du début, je calcule la fréquence du La correspondant, soit : 7,8 X 3X 3 X 3 = 210.6 pour le La, et à l’octave, le La suivant est à : 421,2 Hz.
J’aimerai savoir où les partisans du La 432 ont puisé leur résonance planétaire. Peut -être faisait-il très chaud ce jour là ?
 

Notes
1 Construction de la gamme naturelle
Le faisceau des harmoniques donne tous les multiples de la fréquence de base, ou fondamentale.
La seconde donne l’octave en Do, cest un Do
La troisième donne la quinte, en Do c’est un Sol
la quatrième la double octave, toujours un Do
la cinquième donne la tierce, en Do, c’est presque un Mi
la sixième donne la quinte à l’octave, encore un Sol
la septième donne la septième, presque un Si bémol
La huitième donne la triple octave, encore un Do
La neuvième donne un Ré
La dixième donne un presque Mi à l’Octave
La 11 ème donne un presque Fa
La douzième donne encore un SolLa treizième donne un La
Et le tour est joué, sauf que les notes ainsi obtenues , bien qu’étant parfaitement justes entre elles, ont des intervalles inégaux, ce qui ne permet pas de les transposer, comme sur un piano, ou sur une guitare.
Les explications données sur wikipédia embrouillent délibérément les choses en prenant comme référence absolue la gamme tempérée. Alors que celle ci est faussée délibérément pour permettre la transposition.
Au prix de la justesse, j’insiste !
Cette gamme « Occidentale » est passée dans les mœurs comme étant LA référence, mais si on regarde de près le vocabulaire qui la sous tend, il y a de quoi rire : Le mot Bémol vient d’une faute de traduction de l’allemand. En effet, en allemand, les notes sont les huit premières lettres de l’alphabet le La étant la première, donc il se nomme « A ». Et le Si se nomme « B »
Et lorsqu’il a été question d’installer deux tonalités sur un clavecin, la tonalité de Do et celle de Fa,
il a fallu créer une nouvelle note , le Si étant trop haut, on le baissa d’un demi ton, ce qui en allemand se dit « Moll ». B Moll signifie donc Si diminué. Mais les français ont traduit par Si Bémol, et le terme Bémol fut attribué à toutes les autres notes (Mi Bémol, La bémol...) alors que le Bé de Bémol signifie « Si ».
Et personne parmi tous les savants musicologues de nos conservatoires n’a pris soin de rajuster les
choses. Zut alors!(5)
 

2 -L’unité de temps est arbitraire

 
Nous nous moquons facilement du système impérial toujours en vigueur dans les pays anglo-saxons. C'est vrai qu'il est malcommode pour les calculs. Pourtant ce n'est pas la peine de chercher bien loin. En France nous utilisons encore une mesure aberrante héritée de l'ancien régime : le temps subdivisé en base 12 (duodécimale) et en base 60 (sexagésimale). Nous avons des journées
de 24 heures de 60 minutes de 60 secondes !
A la révolution, l'Académie des Sciences a été chargée d'unifier et de rationaliser tout ça.
Naturellement, les scientifiques ont opté pour le système décimal qui facilitent tous les calculs arithmétiques. C'est encore celui que nous utilisons aujourd'hui avec les mètres divisés en 100 centimètres (ou les euros divisés en centimes). Alors qu'ils étaient occupés à révolutionner les unités de longueurs, volumes, poids, et monnaies, ils se sont aussi intéressés au temps.
Le temps décimal fut adopté par décret en 1793. La journée est divisée en 10 heures de 100 minutes de 100 secondes. Logique et pratique ! A 10h, il est minuit, et à 5h, il est midi. Des horloges et des montres furent même construites dans ce nouveau système. Mais elles sont aujourd'hui très rares.
Et pour cause. Malgré l’opposition de Robespierre, le temps décimal fut abandonné officiellement un an et demi plus tard.
 

3
Exemple de variations du diapason d’un instrument à vent en fonction de sa température.


 10°c 433hz            15°c 436hz             20°c 440hz                       25°c 444hz
  

 Données calculées avec le logiciel RESONANS d’aide à la conception d’instruments à vent de l’IRCAM4

4 Les résonances de Schumann sont un ensemble de pics spectraux dans le domaine d'extrêmement basse fréquence (3 à 30 Hz) du champ électromagnétique terrestre. Ces résonances globales dans la cavité formée par la surface de la Terre et l'ionosphère, qui fonctionne comme un guide d'onde, sont excitées par les éclairs. Le mode principal a une longueur d'onde égale à la circonférence de la planète et une fréquence de 7,8 Hz. Sont présentes, en plus de la fondamentale
à 7,8 Hz, des harmoniques à 14,3 Hz, 20,8 Hz, 27,3 Hz et 33,8 Hz. Ces valeurs présentent une légère excursion de fréquence, précisées dans la page originale.
Elles sont nommées d'après le physicien allemand Winfried Otto Schumann qui les prédit dans les années 1950. Elles furent observées dans les années 1960.
La prédiction des résonances de Schumann est attribuée au physicien allemand Winfried Otto Schumann qui en avait anticipé l'existence dans les années 1950,mais il fallut attendre une décennie pour qu'elles soient mesurées1,3,4. George Francis Fitzgerald (en 1893) et Nikola Tesla
(en 1900) avaient déjà émis l'idée que la cavité surface-ionosphère puisse servir de guide d'onde dont ils avaient calculé l'ordre de grandeur du mode principal et émis l'idée que les orages puissent
exciter la résonance1.
 

5-Origine du mot « Zut »Pour faire mémoriser les notes de la gamme, un moine utilisa ce cantique en latin.
Utqueant laxis, Resonare fibri, Mira gestorum, Famuli tuorum, Solve polluti, Labii reatum, Sancte Joannes
Traduction : Pour que puissent, résonner les cordes, détendues de nos lèvres, les merveilles de tes actions, enlève le péché, de ton impur serviteur, ô Saint Jean (poème écrit par Paul Diacre au milieu du VIIIème siècle)
Un jour un de ses élèves avait du mal avec le Ut, le maître voulant le corriger lui dit: « Dites Ut », (en faisant la liaison) et l’élève répéta : « Zut », ce qui eut pour effet de détendre l’athmosphère.
Bien plus tard, le Ut fut remplacé par le Do, mieux vocalisable, mais le zut est resté.

Bigre !

dimanche 18 avril 2021

Comment ça marche 

J'ai publié ce texte voilà plus de 20 ans et il me semble complètement d'actualité...



On dit : «comment ça marche», et on attend de comprendre...

Trois mots qui appellent une réponse certaine, et on pense qu'effectivement ça va marcher, qu'une réponse va venir, qui va combler le vide induit par la question...


Bon si on s'en tient à la question, il y a le mot 'marche', du verbe 'marcher'. Qu'est-ce qu'il désigne ?


Le fait qu'une chose fonctionne, agisse d'une certaine façon, on recherche une certaine cohésion dans la réponse, un enchaînement logique de faits concrets, tangibles. Au besoin, on réclamera des précisions pour mieux se faire une idée du phénomène en question.


Et pourtant ce verbe marcher qu'on utilise tellement pour améliorer notre compréhension du monde , ce mot si pratique, qu'on pourrait croire étudié pour, bref, ce mot, à force de l'entendre, de l'utiliser, voilà bien qu'un beau jour de printemps je me suis mis à le voir d'une autre façon : une façon qui me faisait me dire en mon for intérieur : «allez, ça suffit, toi et tes trouvailles...», mais non, rien ne m'arrêta et je me vis face à un terrible doute, qui allait grandissant. Une vaste méprise aurait-elle pu naître dans un passé dont on ne sait presque plus rien, sauf quelques traces poussiéreuses d'un autre âge, des écrits en langage passé de mode...


Tout absorbé par mes pensées, je me plongeai dans l'étude de ce fait litigieux, s'il en est.


En voici les grandes lignes.


Le sens le plus courant du verbe marcher, dans notre belle langue française est le fait d'aller à pied, de se déplacer naturellement, sans artifice, on lève un pied, la jambe avance en l'air, l'équilibre du corps se déplace vers l'avant, amenant l'autre pied à basculer pendant que le premier reprend contact avec le sol, relançant ainsi le déséquilibre vers l'avant, et ainsi de suite. L'ensemble de ces gestes, soigneusement appris au cours de notre première année, constitue le meilleur moyen des déplacer d'un endroit à un autre pour toutes les raisons du monde.


En français, on dit donc : «marcher». En anglais "to walk".


Le latin : «ambulare» ne nous a laissé qu'une maigre trace avec notre «déambuler», mais également «ambulance», qui désignait, bien avant l'automobile, le messager pédestre des armées. Marchand ambulant fut un terme de notre langue, et un métier .


Mais le plus souvent on dit marcher.


Pour les mains, on sait dire manier, on embrasse encore grâce à nos bras, mais nos jambes, elles, ne jambulent pas, ni ne iambulent, ni n'ambulent : elles marchent. Oui.

Depuis quand ?

Depuis que des martiens en ont ainsi décidé !

Des martiens, j'exagère : des études récente ont prouvé qu'ils n'existaient pas. D'ailleurs c'est nous, terriens qui avons bel et bien nommé Mars une planète, et un mois de l'année, et aussi un jour de la semaine, et pour quelle raison, s'il vous plaît ?

En l'honneur du Dieu de la guerre : Mars.

Celui que les latins priaient avant la bataille pour obtenir la victoire. Les armées, réunies sur le champ 'de Mars', recevaient les exhortations des imperators, puis partaient à pieds, au pas des armées, vers l'ennemi...

En italien, on dit camminare, qui a son corollaire français dans certaines campagnes anciennes : cheminer. L'italien dit encore andare, mais lorsqu'il s'agit de militaires, il dit 'marcciare' : marcher.

Ah tiens ! L'héritier direct du latin impérial distingue plusieurs façons de marcher.

Nous non. Je m'interroge alors un peu plus sur cette curieuse façon que nous avons, nous les français, de nous déplacer sans pourtant réfléchir au sens de la marche...

L'ennemi, il faut le dire, était quelquefois loin et il fallait aller, pour le trouver, aux confins d'un royaume, confins qu'on prit l'habitude de nommer : «Marches».

Les marches étaient aux Marquis ce que les Contés étaient aux Contes ou les Duchés aux Ducs. Mais dans une Marche, il n'y avait pas les mêmes modes de fonctionnement que dans les autres régions : dans une marche, l'armée du roy avait un droit de réquisition permanent. Les récoltes, les biens, les gens, tout ce qui pouvait servir à l'armée en guerre...

Le roy avait avantage à entretenir des armées sur le pied de guerre dans les Marches, car c'était là que l'ennemi pouvait menacer sa couronne. Aussi, pour la bonne marche des conflits, il enjoignait ses généraux, dans la plupart des cas, donc généralement, à rassembler leurs armées là où ils se trouvaient, à les préparer et, ceci fait, à les faire partir dans les Marches.

L'armée partait alors en Marche, bien évidemment à pied, une, deux, une, deux. On leur disait : «en avant : Marche ! » et tous, au pas, sans plus réfléchir, ils marchaient.

Tous.

Bon presque tous, je ne sais pas exactement le nombre, mais ceux qui gagnèrent furent les plus nombreux, donc ils étaient certainement nombreux à obéir, et que pour les y aider on leur faisait de la musique. Militaire, la musique, d'ailleurs on disait là aussi : marche.

Et plus ils étaient à marcher dans cette histoire, plus ils avaient le sentiment d'exister pour l'histoire, jusqu'à y entrer baïonnette au fusil. A ce stade de l'héroïsme, on ne discute pas le vocabulaire : alors ils ne déambulaient pas plus qu'ils ne cheminaient : ils marchaient. 

Ils ne marchandaient pas non plus la gloire : ils la désiraient au point d'en arriver à confondre le fait de se déplacer avec celui de faire la guerre.

En France.

L'esprit français est simple : il se contente de ce qu'on lui fait croire, même pour le faire marcher. Et ça marche, l'histoire l'a bien prouvé. Napoléon faisait beaucoup marcher son monde : jusqu'à 18 heures par jour pendant la campagne de Russie.

Et ils marchaient, marchaient, toujours à la solde d'un état en guerre, toujours guettant le moment de la solde, ceux qu'on nommait les soldats. C'était simple : «tu es soldat, alors tu marches. » En fait il n'est pas soldat, mais soldé, c'est un homme soldé, bradé, et il ne chemine pas, ah non alors : il marche.

Comment ça marche ?

Comme ça !


Montpellier Juillet 2000

samedi 28 décembre 2019

L'Armée française





Ce matin , au rassemblement, l’adjudant nous lit nos affectations.
Je suis muté à Fréjus !

Je suis militaire à Toulon depuis deux mois, appelé pour le service à la caserne Grignan, 4ème RiMA. Nous avons terminé les classes et ici personne ne reste à Toulon, c’est une caserne dédiée à la formation et ensuite on part en outre mer, ou bien en Allemagne. C’est comme ça.
Cet adjudant est une vraie teigne. Il m’a pris en grippe dès le début et m’a même précisé, un jour où j’avais dû lui tenir tête, qu’il avait déjà tué des humains et que je ne lui faisais pas peur, qu’un de plus à son actif ne le gênerait aucunement.

Le problème qui se pose à moi est énorme : nous sommes venus à Toulon, Claudie et moi, pour régler cette histoire d’armée. Nous attendons un enfant et il est hors de question qu’on nous sépare. Nous avons trouvé un petit studio dans un quartier tranquille et depuis le début de mon incorporation, j’ai rencontré l’assistante sociale de la caserne ainsi que le commandant responsable des affectations et ils ont compris ma situation et m’ont assuré d’y trouver une solution.
Je pensais même ne pas avoir à rester un seul jour sous les drapeaux, mais ça n’a pas marché et me voilà face à cette question : comment faire pour rester ici sans avoir à déserter?
Hors de question d’aller jouer les petits soldats à 100 kilomètres de ma famille naissante !

J’en parle à mon Capitaine qui me conseille d’aller en parler au Commandant responsable des affectations. J’y vais d’un pas décidé.
Quand mon tour arrive (nous sommes nombreux à vouloir lui parler) j’entre dans un long local bordé de gradés assis à leurs bureaux et, tout au fond, un bureau face à l’allée centrale : celui du Commandant.
Ma conversation n’a donc rien de privé puisque tous ces gradés entendent ce qui se dit. Le Commandant sait pourquoi je suis là et il me dit que le choix de Fréjus est un rapprochement de domicile, puisque j’habite Toulon et que Fréjus , à 100 kilomètres, est la caserne la plus proche de chez moi.
Je conteste en lui rappelant que j’avais demandé de rester à Toulon pour la naissance de mon enfant et il me dit que c’est impossible.
Je m’entends lui répondre en criant : « -Vous êtes un incapable ! »
Il blêmit…
Je sens dans mon dos les ricanements des témoins directs de cette scène, mais je reste debout, face à cet homme tout déconfit qui rajoute : « -J’y peux rien… allez voir le Colonel ! »
Et là, je tends la main vers son visage en criant : « OK, je vais voir le Colonel… et je vais lui parler de vous !! »
Et je quitte la scène en foudroyant du regard tous les gradés présents.
Personne ne m’arrête. Ni ne me parle. Je descend l’escalier, sors du bâtiment, et fonce vers le bâtiment de l’entrée de la caserne où se trouve le bureau du Colonel.

Au bureau d’accueil, on me signale que le Colonel est absent, qu’il ne rentrera que lundi mais que son second est là si c’est urgent. Je demande à le voir et au bout d’un petit quart d’heure, me voilà admis à entrer dans son bureau.
Le Commandant Foucard est un homme souriant, mais limité comme un militaire. Il commence par me moraliser en me sortant des insanités comme quoi depuis que je suis né et que j’ai deux couilles entre les jambes, je sais que je dois faire l’armée et que je ne dois pas aller engrosser… »
Son discours est insupportable et je le coupe : -  « Ma vie privée ne vous regarde pas, monsieur, je suis là pour trouver une solution à cette mutation et je ne sortirais pas d’ici sans avoir trouvé, sinon je déserte ! »

Il se tait. Et puis, cette phrase lui vient : «  Mais qu’est-ce que tu crois que je peux faire pour toi ? »
Il ne dit pas ça pour que je lui réponde, il dit ça comme une fin de non-recevoir, mais je saute sur l’occasion en le fixant droit dans les yeux la main droite sur mon épaule gauche :
« Vous avez cinq galons sur l’épaule, moi je n’en ai pas » puis la main tendue devant moi : « Vous avez un téléphone devant vous, moi non, »
« Vous appelez votre homologue à Fréjus et vous m’échangez avec un gars de Fréjus qui veut rester là bas ! »
_ « Mais tu crois que ça se passe comme ça à l’armée ? »
_ « Bien sûr que oui !
_ « Donnes moi des exemples ! »
_ « Dites, vous connaissez mieux que moi le fonctionnement de votre caserne, je vais pas jouer les délateurs ! »

Silence.
Un quart d’heure de silence ...et puis il me regarde tirant son téléphone vers lui… «  Tu as gagné ! »

Et il appèle son homologue de Fréjus sous mes yeux, sans même avoir la pudeur de me faire sortir. Il m’obéit !
Une fois raccroché il ajoute : « bon, maintenant, qu’est-ce que je fais de toi ? » à quoi je répond : « mettez moi où vous voulez, je ferais ce qu’on me dit de faire, je sais que je reste à Toulon , merci Commandant. »
Et je sors, victorieux.

Je passe le week end avec Claudie et le lundi matin, au rapport, l’adjudant braille
« Champagne, chez le Colonel ! »
Là , je n’en mène pas large. Cet homme a certainement appris mon comportement avec ses seconds, et il doit m’attendre de pied ferme. Mais j’ai appris à faire face et j’assumerais quoi qu’il se passe.
Le bureau du ‘vrai’ Colonel est d’un tout autre style. Je m’en aperçois en saluant le drapeau qui trône sur sa droite et que je dois saluer avant de saluer le Colonel (c’est la règle). Mais le Colonel me lance « laissez ça ! Asseyez vous , on doit parler. »
Je m’assied et il se lance dans une prose éloquente sur le rôle de l’armée en temps de paix, que les militaires peuvent avoir un grand rôle dans les catastrophes naturelles, et que le service est un apprentissage à la gestion efficace de l’aide aux sinistrés (il invente, on n’a eu aucune formation là dessus pendant ces deux mois de classe, seulement marcher au pas et tirer au fusil, expérimenter les masques à gaz et jouer à la guéguerre comme des jeunes louveteaux…)
Je me demande bien où il veut en venir…
Et alors il y vient :
« Ma femme et moi avons parlé de votre situation, nous avons eu cinq enfants et il nous reste plein de layette et de matériel pour nourrissons, alors si vous voulez en profiter, nous sommes disposés à vous en faire cadeau.

Et là, je me lève, je lui tend la main en lui disant : « Mon Colonel, je vous remercie, mais je ne veux rien avoir à faire avec l’armée Française. Je reste à Toulon, c’est ce que j’avais demandé, j’occuperais la place qu’on me trouvera, au revoir ! »
Et je sors !

J’apprends quelques jours plus tard que je suis affecté au téléphone, ce qui me vaudra au bout de quelques semaines d’aller travailler en ville, au bureau de garnison, où se trouve le central téléphonique de la place de Toulon, le mess des officiers et le logement du Colonel Marion et de sa famille.
Clotilde naîtra à cette période et Claudie viendra avec elle dans son landau chaque fois que j’y serai de permanence le week-end.
Et le Colonel ne manquera pas de venir faire un petit tour à mon central pour me saluer et admirer notre magnifique petite fille.
Son second prendra des nouvelles presque à chaque fois que je le croiserai dans la caserne.
La venue de Clotilde m’avait donc appris à exprimer mes besoins fondamentaux face à des gradés de haut niveau. Que j’avais traité sans ménagement, comme ils ont l’habitude.
En retour, j’ai eu droit à leur considération et à leur respect.

Merci ma fille !

mercredi 4 avril 2018

Catalogne


Courte visite en Espagne Catalane.


Du carnaval en veux-tu, en voilà. Des spectacles, des tours de villes, du maquillage, des danses, de la musique et encore de la musique, des jeunes mariés qui sourient , du bruit dans une salle de restaurant pleine à craquer. Les serveurs ne savent pas où donner de l'assiette, mais tout se passe pour le mieux et petit à petit chacun se trouve envahi par l'abondance outrancière du prêt-à-manger Catalan : et de ceci, et de celà, et encore ceci, et du champagne et du vin et du café et du whisky et des desserts et de la glace et des cigares et encore des discours sans contenus, simples allusions catalanes à des faits catalans, et tout le monde rit, tout va bien, ils sont content, là, à trois cent dans leur restaurant de la montagne, avec effectivement des montagnes aux fenêtres, oui on les voit bien, mais on a pas le temps, il y a les enfants qui réclament, les vieux qui rient, les jeunes qui trinquent à la table d'en face, et qui fument et qui rient tout ça en catalan, c'est incroyable ce qu'un catalan peut faire de son catalan ...

Et puis en regardant bien, il y a les taiseux, ceux qui écoutent en catalan, qui comprennent que dans tout ce bruit c'est aussi l'âme d'un peuple qui s'exprime, une âme encore enfant, jeune et solide comme les murs qu'ils bâtissent, les murs en pierre catalane, avec les voûtes robustes, les arcs plein cintre en briques ou en pierres rayonnantes, si belles qu'on les croit poussées là, vestiges d'une époque où les pierres poussaient et fleurissaient en bouquet parfait, juste pour le besoin d'une porte silencieuse en mal d'aspirer des gens qui rentrent se mettre à l'abri du vent catalan de l'hiver et de les ranger au chaud d'une grande cheminée pleine d'histoires aux accents rocailleux fraîchement rentrés de la montagne, histoires de bergers, histoires d'aventures à la limite du réel, histoires toutes teintées du feu des braises qui les réchauffe, et celui qui raconte veut ses paroles mouvantes et belles, et qu'elles réchauffent les esprits qui les entendent, par le rire ou bien l'étonnement, et c'est pour cette raison qu'ils n'ont pas bâti leurs murs trop haut, les maçons catalans.

Car les histoires se perdent dans des plafonds trop élevés, et on ne sait plus ce qu'on doit retenir, ou bien croire. Non, eux ils ont tout à fait compris qu'une histoire digne de ce nom doit être entendue la tête légèrement penchée, les yeux prêts à vivre l'intensité de l'action au moindre changement de ton, la peur au ventre et la joie au coeur, et le plafond bas les aide à garder la tête juste à la bonne position, et les murs épais les aide à oublier le reste, tout ce qui n'appartient pas à l'histoire, parce que l'histoire fait déjà partie de leurs rêves, et qu'il y a le feu, et que le feu et le rêve aiment à se retrouver pour forger les âmes simples, celles qui se nourrissent d'histoires de la montagne.

Et celui qui raconte est encore là haut, et ses lèvres tremblent encore de dire tout ce qu'il a vu des arbres, du vent et de la nuit et des bêtes qui l'ont surpris lorsqu'il cherchait à s'endormir dans son coin de cabane. Alors il met un peu du bruit du vent, un peu du bruit des arbres, et de celui des bêtes, et sa frayeur est là, aussi, au milieu de ses mots et de ceux qui l'entendent, et même on y perçoit le bruit d'un ruisseau qui coule au milieu des rocailles, et qui couvre une partie de l'histoire, et peu à peu ceux qui écoutent perdent le fil des mots, car l'eau les attire et leurs yeux se mettent à cligner, et c'est le signal qu'attendait leurs rêves pour se faufiler et tisser la suite catalane de ce que le feu gardera au précieux de ses braises, de ce qu'au petit matin ils verront en retournant les cendres, en y retrouvant les petits bouts rougeoyants qui leurs serviront à ranimer la chaleur de la pièce avant de repartir dans le ciel du matin encore tout étoilé de la nuit qui se perd au fond d'une vallée encore endormie.


Dimanche 10 Février 2002





dimanche 25 mars 2018

Les cinq




le Tétraèdre : division  de la sphère en 4
L'hexaèdre, ou cube : division de la sphère en 6 parties égales

l'octaèdre : division de la sphère en 8 parties égales
division en 12 de la sphère
Dodécaèdre : division de la sphère en 12 parties égales
l'icosaèdre : division de la sphère en 20 parties égales