Tout ce que fait le pouvoir de l'Univers se fait dans un cercle. Le ciel est rond et j'ai entendu dire que la terre est ronde comme une balle et que toutes les étoiles le sont aussi. Les oiseaux font leur nid en cercle parce qu'ils ont la même religion que nous. Le soleil s'élève et redescend dans un cercle, la lune fait de même, et tous deux sont rond. Hehaka Sapa

mercredi 21 mai 2014

Sarawak


La Mouisse, printemps 2010


J'étais assis à cette grande table et on m'avait placé en face d'un couple de Néo-Zélandais. J'avais été présenté comme le maçon et je venais effectivement refaire une bonne partie des toitures, mais on m'avait proposé de commencer par une petite réparation chez les voisins dont la toiture souffrait aussi de ce climat rude du Larzac.

Vers la fin de la matinée, Gisèle était venue me voir sur mon chantier pour me présenter Rod et Linda et ils m'avaient invité pour le repas. Ils s'étaient rencontrés en Chine, puis s'étaient revus au plusieurs fois ici et là, en Asie.
Depuis ils venaient chaque année à la Mouisse retrouver leurs amis et leurs souvenirs.
Je découvrais un monde de voyageurs. Des retraités, fans de découverte et d'expérience humaine. Gisèle avait ainsi voyagé avec Gérard depuis leur retraite durant plusieurs années et il y avait au fond de la grande pièce unique de leur maison une étagère remplie de cahiers qui contenaient leurs photos et journal de bord de chaque voyage, mais ça je le découvris par la suite.

Nous étions une bonne douzaine autour de cette table et Gérard avait placé tout son monde avec humour, se réservant le bout de table comme tout bon patriarche. Je regardais donc mes voisins et commençais à réviser mon anglais pour établir un minimum de liens avec ces gens souriants venus de si loin pour revoir leurs amis de voyage.
C'est alors que l'étincelle se fit : je dis à Rod que le seul homme que je connaissais en Nouvelle Zélande était le dernier Rajah du Sarawak.
Je les vis alors tous les deux abasourdis comme s'ils avaient rencontré un alien.
Pendant que Rod me faisait répéter, Linda fit taire tous les autres pour relayer à nos hôtes mon information.
Gérard se mit alors en devoir de me questionner et il fallait voir le cocasse de cette situation où deux personnes échangent à quatre mètres de distance et dix personnes silencieuses dont la plupart ne comprenait d'ailleurs rien.
Et moi le premier.
J'avais simplement cité un nom, celui d'un homme au destin étrange, qui avait été désigné pour succéder au dernier Rajah du Sarawak, mais qui fut ensuite évincé, le royaume ayant été vendu, oui, vendu à l'Angleterre.

Gérard, Gisèle, Rod et Linda s'étaient retrouvés plusieurs fois au Sarawak et avaient été fascinés par l'histoire des Rajahs Blancs, d'où leur stupeur quand, à leur table, le maçon évoque cette histoire.
Mais eux connaissaient les lieux, le pays, la jungle, les animaux, les gens, les musées, et c'est ici qu'ils sortirent pour moi les cahiers de voyage pour la première fois et je vis les photos et ils me lirent des extraits de leur journal, la visite du palais des rajahs à Kushing. Et une bonne partie du repas se passa à parler du Sarawak.

Et j'eu droit à la visite du « musée » de Gérard. Une antre remplie d'objets aussi divers que des figurines de dragons, des bouteilles de whisky de toutes origines, des boîtes quality street, des snoopy, des collections de voitures miniatures, de timbres, d'objet plus curieux les uns que les autres...
Il ne me restait plus qu'à raconter mon histoire, enfin, plutôt celle de la famille Brooke, et de ma rencontre avec elle.






Le Barry, printemps 2005


Je remonte le temps, c'est une des possibilités qu'offre assez couramment l'écriture, et j'y trouve un certain confort !

Me voici dans une chapelle d'un hameau de Monpeyroux, le Barry.
Je suis responsable d'une équipe et nous venons de commencer le chantier de rénovation dont l'objectif est de transformer l'actuelle semi-ruine en salle d'exposition et de spectacles.
Et les voisins ne manquent pas de venir nous faire une visite pour se faire expliquer les détails de l'opération. Voilà donc en un après midi, deux anglaises se présentent et me questionnent. La plus jeune, très élégante, parle un français impeccable, et retraduit à son amie mes propos. Au moment de nous quitter, je lui demande ce qu'elle fait. Du vin, et de la peinture, me dit-elle, et elle m'invite même à visiter son atelier en fin de journée.

Chose promise, chose due, je me retrouve quelques instants plus tard juste derrière la chapelle devant une jolie maison et ainsi commence la visite de l'atelier de Jo.
 une oeuvre de Jo
Elle peint tout ce qu'elle aime, et principalement les animaux. Magnifique coup de crayon. Elle m'explique comment elle dessine l'animal, sans le quitter des yeux, traçant avec un fusain presque sans quitter le papier qu'elle a disposé à l'horizontale devant elle.

J'aperçois alors un Orang-Outang.

Je lui dis : l'animal fétiche du Sarawak !

Oui, elle connaît, oui elle y est allée, et elle me cite le nom de la rivière au bord de laquelle elle l'a rencontré, cet Orang-outang. Et me revoilà à devoir expliquer comment, mais comment je connais ce pays ?
Mais je ne le connais pas, je dis seulement que je connais la fille du dernier Rajah, la fille d'Anthony Brooke, Célia.
Que nous nous sommes connus dans l'Aude, que j'ai même eu l'honneur de rencontrer son père et de parler longuement avec lui sur son engagement dans les mouvements pacifistes nés après la seconde guerre mondiale. Je ne pense pas lui avoir dit cette fois le pourquoi de cette rencontre.
Elle avait une chose étonnante à me dire.

Elle vivait dans le sud depuis longtemps et recevait de temps à autre une amie anglaise quilui avait souvent posé cette question : aurais-tu rencontré une de mes amies d'enfance qui vit aussi dans le sud, nous sommes devenues amies dans un pensionnat en Chine et nous avons perdu le contact, elle s'appelle Célia et c'est la fille du dernier Rajah du Sarawak...

Je lui donnais l'adresse de Célia et lui raconta ce que je savais.

Jo connaissait le Sarawak pour y être allée plusieurs fois. Un cousin à elle y vit, ancien pilote du Rajah de Brunei, il s'y est installé.





Bouriège, hiver 1983


C'est une fête dans le foyer du village. Je ne sais plus qui joue, peut-être le Saint-André-Blues-Band, en tout cas il y a du monde et une amie me présente à un couple, Célia et David. Quand elle les a aperçus elle m'a dit qu'elle allait me présenter à une princesse.

Effectivement Célia a bien une allure de princesse, et David une belle allure de prince. Ils sont beaux.
Nous parlons et, apprenant ma qualité de maçon, me proposent de passer chez eux un jour pour voir leur projet d'école.

Et je prends ainsi l'habitude de venir les voir à la Métairie Blanche, un lieu perdu dans les collines, sans électricité, où ils restaurent une maison et ont entrepris une construction d'où doit surgir une école... Je donne quelques cours de plâtre à des anglais dans une grande pièce où trônent des curieux tableaux de personnages royaux. Quand je demande ce qu'ils font là, on me répond simplement que c'est la famille de Célia !

Et les années passent, je change de région.

Un jour un ami vient me voir. Proche de David et de Célia dont il connait le père, Anthony. Anthony Brooke vit en Nouvelle Zélande et là-bas, il a créé « Many to Many », un genre de périodique dans lequel il rassemble toutes les informations qu'il reçoit sur le monde du changement.
Mon ami, qui reçoit « Many to Many », cherche quelqu'un pour l'aider à le publier en français .
Célia est partante pour nous aider et commence alors à me raconter sa vie, celle de son père, elle me confie des documents, articles de presse, livres.

Commence alors pour moi une période très féconde en découvertes. Je rentre en contact avec les gens qui écrivent dans Many to Many, j'échange des courriers avec l'université de la Paix au Costa-Rica, qui prépare une rencontre internationale pour rédiger une déclaration des Devoirs des Citoyens, pour faire suite aux droits de l'homme, je découvre le mouvement « Generals for Peace », qui rassemble des officiers supérieurs conscients des dangers liés au nucléaire, un mouvement qui, à mon sens, a largement collaboré à l'ouverture des pays de l'est, dont la chute du mur de Berlin fut le symbole. Generals for Peace rassemblait en effet à la fois des généraux des pays de l'Otan etdes généraux des pays de l'est.
Neve Shalom, une communauté Judéo Palestinienne, dont la principale activité est une école pour la résolution pacifique des conflits, ainsi que toute sorte de mouvements engagés dans la non-violence et la protection de l'environnement.
Tous ces mouvements connaissent Anthony Brooke pour l'avoir rencontré en tant que militant actif pour toutes ces causes

Et puis, bien sûr, je découvre l'histoire du Sarawak.
J'avais lu Kipling et sa nouvelle « l'homme qui voulut être roi », mais le nom de Sarawak ne m'avait rien évoqué.

Anthony Brooke est né en 1912. Neveu de Charles Vyner Brooke, Rajah du Sarawak, il est destiné à régner à la suite de son oncle qui n'a engendré que des filles, le titre de Rajah ne se transmettant qu'à des hommes.

Le 9 Avril 1939, il est désigné comme successeur et sacré « Rajah Muda ».
Il vit au palais de son oncle royal et se consacre aux choses de l'état, veillant au bon fonctionnement de l'administration et prenant très à cœur sa responsabilité de futur chef d'état.
Il rencontre un jour la future mère de Célia et ils décident de se marier.
Le mariage a lieu à Rangoon et, après une lune de miel à Sumatra, le couple s'envole pour Athènes où vit la mère d'Anthony.
Un télégramme lui apprend alors qu'il est destitué de son titre de Rajah Muda.
1941. Le monde est en guerre. Le Sarawak fête les cent ans de la dynastie Brooke. Du 20 au 28 Septembre la ville de Kuching est en fête, toutes les communautés du pays représentées par leurs chefs sont reçues au palais. « Témoignant sans équivoque le respect et l'affection que tous les sujets avaient pour le règne desBrooke »
Décembre 1941 : invasion Japonaise, le Rajah est en Australie, les autres membres de la famille sont absents du pays.
A la fin du conflit, le pays est cédé à la couronne britannique moyennant 2,750,000 livres sterling dont une partie est allouée au Rajah et aux siens.. Le 26 Juillet 1946, le Sarawak devient officiellement une colonie Anglaise.
Le règne des Rajahs Blancs prend fin.



Un siècle plus tôt






1824

James Brooke, jeune officier de l'armée des Indes (armée privée, de la compagnie des Indes) est laissé pour mort dans une bataille contre des Birmans.
Retrouvé sous son cheval par son colonel, il est ensuite rapatrié en Angleterre pour extraire une balle de sa colonne vertébrale. Sa convalescence est longue et difficile et, quand il décide de rejoindre son régiment, le premier bateau qu'il prend à Southampton fait naufrage près de l'île de Wight. Le voyage suivant l 'amène à bon port, mais trop tard : il a dépassé le délai de 5 ans qui lui était imparti et se retrouve au chômage.

De retour en Angleterre il se documente sur les régions du monde encore à découvrir.
Il a lu le livre de Georges Windsor Earl sur son voyage à Bornéo et les articles de Sir Raffles, ancien Gouverneur de Java, qui traitent de l'intérêt majeur que représente cette île. Il rencontre Earl, consulte l'Amirauté et le British Muséum, et même si les gens ne savent finalement pas grand chose, il se trouve chaque fois bien accueilli.

La mort de son père et l'héritage qui en découle sera l'élément moteur de ce qui suit.
Il achète un bateau de 142 tonneaux, recrute un équipage au complet, et effectue un voyage d'essai en Méditerrannée de septembre 1836 au mois de Juin 1937.
L'expérience étant concluante, il se sent prêt au grand voyage.

Il écrit un texte par lequel il demande des aides pour lancer une expédition . Il commence par décrire l'histoire de l'archipel Malais des derniers siècles, s'appuie sur reprenant idées de Raffles, critique la politique Hollandaise en Malaisie qu'il considère néfaste, voire désastreuse.
« A ce jour, nous avons la quasi certitude que la politique Hollandaise n'a engendré que la confusion et l'anarchie dans cet eden oriental, en n'y apportant que l'idée du profit ! »
Ajoutant que si les Hollandais ont pu s'implanter là-bas c'est uniquement lié au fait que l'angleterre n'a pas suivi les conseils de Raffles.
La suite du texte exprime très bien son état d'esprit et le réel engagement qui le motive et qui restera sa ligne directrice : Mettre en place un comptoir commercial ne doit pas se faire sans tenir impérativement compte de l'évolution et du développement des populations du lieu !
Il cite même « les droits inaliénables des Aborigènes »
On est loin de l'American dream...
C'est le point qui me plaît le plus dans son histoire.
Il projette un voyage qui l'amènerait à l'extrême nord-est de Bornéo, Malludu Bay, où l'East India Company s'était déjà implantée, bien placée par rapport à la Chine, Singapour et Port Essington en Australie, ces derniers étant Britanniques.
Il entrerait en relation avec le peuple Dyak, et en profiterait pour y étudier la flore, la faune et les ressources minérales de la région.

Puis il poursuivrait en accostant aux Célèbes, chez les Bugis, qui sont les grands marchands de l'archipel, étudierait la possibilité d'y établir un comptoir dans une contrée non contrôlée par les Hollandais, rejoindrait ensuite la Nouvelle-Guinée, les îles Aru et Port Essington.
Il insistait enfin sur le fait que son bateau, le Royalist, faisait partie du Royal Yacht Squadron et que ce titre lui amenait autant de considération qu'un bateau de la Royal Navy.

Un projet bien ambitieux quand on sait que Malludu Bay était le principal repaire des pirates Illanums, que l'isolement de Bornéo, le pays des réducteurs de têtes, était entièrement dû à la piraterie, et que, depuis Vasco de Gama, nombreuses furent les tentatives d'implantation et aussi nombreux les échecs...

Il déclencha malgré tout un réel intérêt, y compris en Hollande où il fut tout de suite considéré comme un homme dangereux.

Jeudi 26 Octobre 1838, le Royalist quitte Londres pour Singapour. Cinq mois de voyage avec deux semaines d'escale à Rio de Janeiro et autant au Cap. A Singapour James est reçu par le gouverneur qui est intéressé par son projet et le documente sur tout ce qu'il n'a pas pu savoir en Angleterre concernant Bornéo, ses coutumes, ses habitants Chinois et Malais...
Il reprend la mer le 27 Juillet avec un nouveau médecin de bord et un interprète Malais. Destination : la Sarawak River, 600 miles plus bas.

Le 12 Août, il jette l'ancre à l'ouest de l'embouchure de la Sarawak River et James envoie une chaloupe à la résidence du Rajah, 20 miles plus bas. Le Rajah envoie alors un émissaire porteur d'une invitation officielle.

Le 15 Août, les 21 canons du Royalist saluent le Rajah devant son palais de Kuching. James et son équipage sont reçus comme des sauveurs.
En fait tous sont victimes d'un quiproquo.
Kuching a demandé à l'Angleterre de l'aide pour lutter contre la piraterie et ouvrir le pays au commerce extérieur. Le bateau de James avec son pavillon britannique et son nom évocateur est pris pour une réponse effective d'aide et c'est ainsi que commence la relation entre James et le Rajah.

James s'implique alors dans l'histoire locale, résolvant un à un les problèmes du Rajah. Diplomate par nature, il réussit par le dialogue à dénouer des conflits . Petit à petit il devient la personne de la situation et se fait aimer à la fois du peuple et des dirigeants.

Kuching
En fait les choses arrivent sans prévenir. Il rentre à Singapour, se fait un peu tirer les oreilles par le gouverneur qui lui demande de ne pas mélanger les affaires commerciales avec la politique. Il décide de revoir Kuching pour saluer ses amis avant de reprendre son voyage vers Manille et la Chine, puis de rentrer en Angleterre.

Ceci est le tout début de l'Histoire. Je reprend un peu en arrière pour préciser les circonstances de ce qui vient de se passer jusque là, la suite n'en sera que plus lisible...

Retour sur l'état de Bornéo

A cette époque, la province de Sarawak constitue la majeure partie du territoire des sultans de Brunei qui l'avaient conquis deux siècles plus tôt à cause de ses mines d'or et d'antimoine. Le conquérant, le sultan Hasan, neuvième de la dynastie, régnait sur tout Bornéo dans le début du dix-septième siècle et son influence allait des Philippines jusqu'à Java. Mais aussitôt après sa mort, les autres sultans de l'île retrouvèrent leur totale indépendance. Muhudin, petit-fils d'Hasan, dû même céder la partie nord de Bornéo aux Sulu, en contrepartie de leur aise dans une guerre civile.
La décadence fut rapide au 18 ème siècle.
Du fait d'une coutume musulmane qui donnait comme successeur du trône non pas le fils aîné, mais l'ainé mâle de la famille régnante, il arrivait que soient mis à mort les frères du Sultan régnant ainsi que leurs fils, ce qui simplifiait passablement les choses...
Dans les territoires Malais il arrivait que le fils aîné du dernier souverain soit préparé à s'emparer du trône et éliminer ses rivaux, mais la plupart du temps les princes et leurs suites accédaient à leur fin par la négociation et un ou deux meurtres.

Le trône de Brunei avait souvent connu ce type d'expérience. En 1839, quand James Brooke débarque , le Sultan s'appelle Omar Ali Saifuddin, homme d'une cinquantaine d'années, considéré comme un peu simple. Quelques années plus tôt, bien ayant été désigné comme successeur de son père, c'est un de ses oncles qui prend le trône. Api, un homme cruel jusqu'à la folie, épargne son neveu sans doute à cause de son infirmité. La sœur de Api, mère d'Omar, organise alors une révolte dans le palais qui aboutit à la mise à mort de l'usurpateur.

Omar Ali monte ainsi sur le trône mais du fait de son état mental et d'une légère déformation de la main droite, il n'est jamais formellement investi et ne prend donc pas le titre de Ing di Pertuan (Seigneur Régnant) qui désignait le souverain de Brunei. Il n'a aucun contrôle sur ses proches, et ceux ci choisissent un autre de ses oncles, Hasim, comme Rajah Muda, ou héritier du trône et Régent. Peu après, comme une révolte éclate au Sarawak contre le gouverneur, le Pangiran Makota, en 1837 le Rajah Muda Hasim est envoyé pour rétablir l'ordre.

Une révolte n'était pas surprenante vu l'état de corruption du régime.

Quand les nobles n'étaient pas occupés à intriguer les uns contre les autres, ils se liguaient pour extorquer argent et denrées aux races indigènes plus faibles. Les Lands Dyaks en particulier. Les chefs locaux Malais étaient habilités à demander un impôt aux Dyaks, mais leur méthode de marché forcé, en usage dans tous les pays Malais, était intolérable. Tous les produits d'un village Dyak devaient être vendus au prix que décidait le dirigeant, et tous les Malais du district avaient le droit d'acheter le surplus au même prix. Et si les denrées manquaient, alors ils étaient forcés de vendre leurs enfants comme esclaves. Obligés aussi d'acheter ce que les dirigeants voulaient leur vendre à des prix excessifs...
Dans de telles conditions, la population Dyak était proche de la famine et déclinait quand ils n'allaient pas se réfugier dans les lointaines collines.
Leur nature douce en faisaient des victimes idéales.
D'autres tribus étaient traités différemment. On pouvait par exemple vendre des armes aux Sea Dyaks et les encourager à attaquer leurs voisins plus faibles, à condition qu'ils reversent la moitié de leur butin au gouvernement de Brunei. Le racket des plus forts contre les plus faibles était monnaie courante. Et la passion des Sea Dyaks et des tribus voisines pour collectionner les têtes était tout à fait propice à de tels encouragements. La méthode s'était d'ailleurs étendu bien au delà de leur territoire qui était au départ les rivières. Ils apprirent des Malais les avantages de la piraterie de pleine mer.

De cette situation, James Brooke n'en avait pas touché un mot.
Plus dangereux que les Malais : les Illanums, de l'archipel des Sulus, originaires des Philippines et qui opéraient sous le patronage du Sultan De Sulu. Trois ou quatre mois de mer ne les rebutaient pas, leur champ d'action comprenait toute la péninsule Malaise et Java, et leur repaire favori était justement Marudu Bay, où James avait choisi d'aller.



En fait, au moment de notre histoire, les pirates évitent plutôt les navires européens. L'année 1838 une flotte de bateaux Illanum a été anéantie par deux bateaux britanniques au moment où ils attaquaient une jonque chinoise. Ce qui n'empêche pas pour autant l'accroissement permanent du phénomène, vu les conditions de vie désastreuse, phénomène qui se retourne même parfois contre les Malais eux-mêmes.

C'est au beau milieu de ce chaos qu'éclate la rebellion au Sarawak. Venu de Brunei pour lui prêter main forte, un Pangiran nommé Usop lui promet l'aide du Sultan de Sambas, mais en réalité toute son équipe passe du côté Dayak et les aide à organiser la révolte. Hasim est dépassé car, le Sultan de Sambas est soutenu par les Hollandais. Il décide alors de se tourner vers l'Angleterre.
Et c'est ainsi qu'en 1838, lorqu'on lui annonce l'arrivée d'un navire Britannique à l'embouchure du fleuve, il n'a aucun doute : enfin une aide...

Et James lui amenait effectivement une lettre du gouverneur et de la chambre de commerce de Singapour, lettre de remerciement pour son attitude récente à l'égards d'équipages Anglais en détresse qu'il avait su accueillir dignement et fait ramener à Singapour à ses frais. Il y était même question d'établir à sa cour une délégation Britannique.

D'un côté, Singapour surestimait le réel pouvoir d'Hasim et son autorité, et de l'autre Hasim se croyait enfin assisté.

Curieuse situation qui m'amène à cet arrêt sur image, car c'est là que tout se joue : Hasim voit en James Brooke un officier de sa majesté chargé de lui prêter main forte. James étant simplement porteur d'une missive, certes positive, mais sans plus. Lui, de son côté se sent comblé, il va pouvoir poser des jalons et démarrer quelque chose, enfin la chance lui sourit !

Et c'est sous ces auspices trompeuses qu'il débarque à Kuching le 15 août. Arrivé en début du mois au cap ouest de l'embouchure du Sarawak, il a fait parvenir un messager à Hasim, lequel lui fait savoir qu'il l'attend...

Kuching

Kuching est une ville de 800 habitants, toute neuve. Makota l'a fait construire après la mise à sac par les Dyaks de Katubong. A part quelques commerçant Chinois, la population est constituée de Malais. Les nobles Malais habitent plutôt Lida Tanah plus haut sur la rivière. Une grande partie de la ville est faite des palais du Rajah, de Makota et de leur suite de nobles. Les maisons sont construite à la façon malaise, avec des pieux plantés dans la boue.
Le hall d'audience où James est reçu le matin de son arrivée est une grande remise somptueusement décorée de tentures. C'est une audience officielle avec cérémonial et remise de cadeaux au Rajah. Dans la soirée James parle avec le Rajah qui cherche à savoir qui est le plus fort des Anglais ou des Hollandais ? James penche pour les Anglais, et la discussion en reste là.
Le lendemain, il leur fait visiter le Royalist.
Dans la soirée Makota lui annonce que les Hollandais ont des vues sur Brunei et le Sarawak. Il lui demande si l'Angleterre serait prête à intervenir en cas de besoin. James lui répond que les Hollandais n'occupent jamais un pays sans y avoir établi un comptoir avant. La meilleure des choses est de ne pas accueillir de marchands Hollandais. Makota parle alors des excellents marchands Anglais.
Avec Hasim et Makota, James se sent bien. Ils lui assurent que la révolte n'est pas très sérieuse. Il leur demande alors la permission de visiter le pays. Makota lui ayant fait rencontrer un chef Dyak, il veut voir de ses yeux un village Dyak. On lui donne la permission, pourvu qu'il reste dans les endroits calmes.
Cette première expédition fluviale ne le renseigne pas vraiment sur la situation. Les Pangirans qu'on lui a donné comme guides le dissuadent de pénétrer en territoire Dyak. Ils reviennent à Kuching au bout de quatre jours de navigation dans un magnifique paysage, certes, mais très peu peuplé.
Une seconde tentative l'amène quelques jours plus tard au village du chef que Makota lui avait fait rencontrer. Enfin il découvre l'hospitalité Dayak, il est reçu à Situngong dans une longhouse d'environ 200 mètres de long, où vivent à peu près 400 personnes, les Sibuyoh.

Il ressort content de la visite, mis à part une trentaines de têtes qui décorent les chevrons. On lui explique que ce sont des têtes d'ennemis. Il ne sait pas encore qu'un jeune Dyak doit amener une tête à sa belle famille pour pouvoir se marier...
Il visite ensuite un village Chinois construit quelques mois plus tôt, très impressionné par leur mode d'organisation.

De retour à Kuching il retrouve Hasim et prend le temps de parler avec lui. Il prévoit de rentrer à Singapour à la fin-septembre mais décide de faire un détour chez un chef pirate, accompagné de deux Pangirans. Il y est reçu amicalement par le chef qui lui explique candidement son métier dont maintes têtes font preuve tout autour d'eux, décorant la longhouse.
Les Pangirans le raccompagnent à son bateau et lui adjoignent une petite escorte pour sortir de la baie, et c'est l'escorte qui se fait attaquer par des pirates Saribas dans la soirée du 28. Les canons du Royalist font fuir les attaquants, mais il est plus prudent de redescendre à Kuching pour aviser et soigner les quelques blessés.
Il leur est offert un somptueux banquet et le lendemain tout l'équipage a droit aux adieux des hôtes Malais en compagnie d'un Orang-Outang.

A Singapour, James est bien reçu par les marchands, mais quand il raconte son parcours au Gouverneur, Mr Bonham est moins enthousiaste. Discuter pour entamer des relations commerciales est une chose, la politique en est une autre. James s'était montré imprudent : si ses propos parvenaient aux oreilles des Hollandais, qu'est-ce qui allait se passer ? James comprend alors que son initiative n'est pas appréciée en milieu 'officiel' mais reste convaincu de ses opinions et de ses intentions.

Préférant attendre la fin du conflit pour retourner au Sarawak, il décide d'en profiter pour réaliser la seconde partie de son projet autour des Célèbes. Du 20 Novembre 1839 au 29 Mai 1840, le Royalist l'amène à la rencontre de peuples amicaux ainsi que leurs dirigeants. De retour à Singapour il envisage une visite d'adieu au Sarawak avant de retourner en Angleterre en passant par Manille et la Chine.

29 Août 1840. Kuching. Découragé et fatigué.

Hasim et les Malais lui réservent un accueil agréable, mais la rébellion n'a pas cessé. Au contraire les forces des Dayaks rebelles sont à 30 miles de la ville. Pas question de voyager dans l'arrière pays, et rien à faire à Kuching. Pourtant à chaque fois qu'il parle de son départ, le Rajah l'implore de rester, ajoutant qu'il ne peut compter sur personne d'autre. Il propose à James de lui montrer son armée, aux ordres de Makota, à LidaTanah, en amont de la rivière. Sa présence encouragerait les troupes en même temps qu'elle impressionnerait les rebelles. James accepte et les voilà ramant vers le front dans un bateau chargé de vivres. Il trouve là une armée assez extraordinaire, principalement constituée de Malais et quelques Dayaks, plus enclins à se quereller entre eux qu'à attaquer l'ennemi, ainsi qu'une petite troupe de Chinois bien mieux disciplinée. Les deux camps postés derrières des palissades à portée de voix les uns des autres et s'injuriant mutuellement. Makota et ses commandants dévorant les provisions de James sans s'occuper de son avis.

Rentré à Kuching, il apprend la mort d'un des membres de son équipage et trouve un autre en train de mourir.
De nouveau il veut partir, de nouveau Hasim le convainc de rester en ajoutant que des Dyaks, affaiblis par la faim, sont prêts à se rendre. James accepte de retourner au front après avoir embarqué quelques canons du Royalist. Les rebelles sont effrayés, mais Makota et son conseil de guerre ne veut rien tenter, ni attaque, ni négociation avec James.
Nouveau retour à Kuching, James ne se fait plus d'illusions et le 4 Novembre il annonce fermement son départ. C'est alors qu'Hasim lui propose, au cas où il reste, de lui laisser le pays de Siniawan et de Sarawak, son gouvernement et son commerce, et il lui suggère même qu'il peut devenir Rajah. James est tenté.
Il est trop prudent pour accepter mais il ne décline pas l'offre et accepte de rester.
A son retour il trouve l'armée en meilleur état. Il y a là Bedruddin, un frère de Hasim, un prince nettement plus réactif que ses congénères. James trouve enfin un allié pour agir, jusqu'au moment où Bedruddin est rappelé par Hasim.

Retournement

James trouve alors le moment propice pour agir avec son équipage et l'aide de Si Tundo, un Malais. Ils prennent un groupe d'insurgés à revers, lesquels acceptent de parlementer avec James. Le chef des rebelles, un dénommé Matusain, s'avance alors sans armes et lui demande de leur garantir la vie sauve s'ils se rendent. James ne peut rien promettre, seulement leur apporter son soutien, la décision appartenant au Rajah.
La négociation avec Hasim et Makota est difficile, mais James l'emporte en remettant en cause sa présence. Les rebelles voient leurs biens confisqués, les femmes et les enfants sont amenés à Kuching, mais personne n'est tué.

Arrive ensuite la question de l'offre de Hasim. Son titre de régent ne lui permet pas de décider de l'avenir du pays. C'est du ressort du Sultan, et Hasim a des doutes, il craint que son absence de Brunei lui ait fait perdre son influence, laquelle diminuerait d'autant si le bruit se répand qu'il veut donner la province à un Anglais. Il ne lui semble pas possible de quitter le Sarawak dans un tel état chaotique, Makota inévitablement provoquerait une nouvelle rébellion... La seule chose qui lui semble envisageable est de demander au Sultan un permis pour que James s'établisse au Sarawak. Quand James proteste, Hasim lui dit que c'est juste une première étape pour que le Sultan se fasse à l'idée d'un Anglais sur son territoire.
James n'avait plus confiance en lui, encore moins en Makota qui venait de faire mettre à sac un ex village rebelle et partait maintenant pour Brunei. Hasim ne se voyant pas laisser le Sarawak aux mains de James, se retrouve coincé.

James prend alors la décision d'aller à Singapour et exige qu'à son retour on lui ait construit une maison, mis de côté une certaine quantité d'antimoine et qu'un document pour régulariser sa position soit prêt pour le faire signer au Sultan. Il reviendra avec un cargo de marchandises pour le transport de l'antimoine, espérant mettre en route un commerce régulier.
Il s'est enfin fait à l'idée de s'établir au Sarawak en tant que dirigeant.

Peu avant le départ arrivent à Kuching des nouvelles au sujet des pirates de la côte. Un Pangiran envoyé pour enquêter revient avec une demande d'un chef pirate qui demande l'autorisation de rencontrer le Rajah Muda. Il était soupçonné d'avoir l'intention de capturer le Royalist. James, curieux de le voir, insiste pour que Hasim le reçoive. Bientôt arrive une flotte de 18 splendides vaisseaux Illanum. James est invité à visiter l'un d'eux et à discuter avec les chefs qui lui parlent franchement du plaisir du métier, qui n'a plus rien à voir avec ce qui se pratiquait du temps de leurs ancêtres. Ils naviguaient depuis trois ans et la plupart des bateaux avaient été pris aux Bugis.
Tant que la piraterie à Bornéo en est à ce stade, réalise James, les Européens peuvent toujours essayer de protéger leurs bateaux et leurs ports...

De Février à Avril 1841 il est à Singapour, en quête d'un bateau. Il ne trouve rien sauf un schooner, le Swift, pas vraiment idéal comme cargo, et cher, mais n'ayant pas le choix, il l'achète et le remplit de tout ce qu'il peut trouver. Mr Bonham lui fait bonne impression malgré son annonce d'entrée en politique. Pareil chez les Hollandais. En 1842, M. Bloem, Assistant-Résident aux Sambas, avait écrit à James en lui enjoignant de ne pas se mêler de la politique de Bornéo. Des rumeurs étaient parvenues à la Hague. Mais , après enquête, un diplomate Hollandais à Londres avait conclu que Mr Brooke semblait travailler pour la Société Royale Géographique.

A son retour à Kuching, James ne trouve ni maison, pour lui, ni antimoine et rien de plus n'a avancé en ce qui concerne son titre. Makota est rentré de Brunei plus puissant que jamais. Il découvre également que les Sea Dyaks, en connivence avec Makota et sans doute aussi Hasim, préparent une expédition contre les Land Dyaks et les Chinois. Par ailleurs il apprend que Si Tundo, le Malais avec lequel il a attaqué les rebelles, a été mis à mort par ordre de Hasim.

Sa colère pousse Hasim à agir. Une maison est construite en un temps record, de l'antimoine est collectée et l'expédition contre les Dyaks et les Chinois est abandonnée. Ces événements perturbent Hasim au point qu'il se réfugie chez lui en se disant malade. Mais il a encore besoin de l'aide de James ; et James besoin de lui pour devenir gouverneur et il voit qu'il lui faut encore patienter.
Il se sent de plus en plus estimé. Les Dyaks et les Chinois le considèrent comme leur sauveur. Il est de plus en plus impressionné par les Chinois. Il pense que ce serait d'excellents alliés. Il profite de cette période pour se documenter sur les tribus et sur les coutumes locales.

En Juillet, on apprend qu'un navire Anglais, le Sultana, a fait noufrage au large de Brunei et que l'équipage est prisonnier du Sultan. Hasim promet de s'en occuper mais n'entreprend rien. James, après un entretien tendu avec lui, décide d'envoyer le Swift chrgé d'antimoine à Singapour et le Royalist à Brunei pour enquêter sur l'équipage capturé. Il veut rester seul dans sa maison.
Le 2 Août, James tient dans ses mains une lettre de Mr Gill, Capitaine du Sultana, expliquant que lui et deux hommes de son équipage ont été relachés pour aller à Singapour mais que leur bateau a été démâté, qu'ils n'osent pas réparer à cause des pirates, et que le reste de l'équipage ainsi que quelques femmes sont encore prisonniers à Brunei dans des conditions désastreuses.
Et puis les deux bateaux reviennent. Le Royalist a été très mal accueilli à Brunei, avec interdiction de voir les prisonniers, mais le Swift a obtenu des autorités de Singapour l'envoi du Diana, un East Indiaman, à Brunei. Cette démonstration de force déclenche immédiatement la libération des gens du Sultana.

L'incident rehausse considérablement le prestige de James. L'arrivée du Diana en armes juste après l'accueil discourtois du Royalist ayant été interprété par les autorités de Brunei comme un soutien de l'Angleterre à James Brooke. De la même façon, quand ils entendent le témoignage des marins du Sultana, les gens de Singapour sont impressionnés par son influence à Bornéo. James, de son côté, est tout a fait conscient du côté illusoire de la situation.

L'attitude haineuse de Makota devient plus en plus flagrante . James s'aperçoit que les Malais n'osent pas venir chez lui par peur des agents de Makota. L'un d'eux a même tenté d'empoisonner son interprète Malais en versant de l'arsenic dans son riz. Il décide de prendre les choses en main.
Il fait amener les canons du Royalist, les pointe sur le palais, et, à la tête d'un petit détachement, demande une audience immédiate à Hasim.
Il lui rapporte les dernières intrigues de Makota envers lui et envers Hasim, ajoute que ce sont les exactions de Makota qui ont déclenché la récente révolte et termine en affirmant qu'il est lui même en excellent termes avec les Dyaks et les chefs Malais locaux, et que ces derniers le soutiendraient dans un combat contre Makota.
Hasim est à la fois effrayé et soulagé. Il ne peut pas imaginer de permettre une nouvelle rébellion avec James Brooke comme chef, et en plus il ne croit plus en Makota. Il se met alors à rédiger un document statuant publiquement et sincèrement qu'agissant en pleine conscience il donnait à James le gouvernement du Sarawak et ses dépendances, en contrepartie d'un paiement annuel au Sultan de Brunei et de la promesse de respecter les lois et la religion du pays.

Le document, dûment signé est envoyé à qui de droit et, le 24 Novembre 1841, James Brooke est officiellement proclamé Rajah et Gouverneur du Sarawak.

Le règne a commencé, mais la position du nouveau Rajah est incertaine. Makota est défait et ses prochesl'abandonnent publiquement, mais il a encore de l'influence. Son titre de gouverneur n'a pas été abrogé par le Sultan. Hasim reste encore à Kuching comme représentant du Sultan dont James reste tributaire... Et le Sultan n'a encore pas décidé du transfert d'autorité. Et si James peut se prétendre Rajah dans ses déclarations au peuple du Sarawak, il ne le fait pas lorsqu'il communique avec le monde extérieur.

En Angleterre, aucun mot sur le fait qu'un citoyen Britannique est devenu le souverain d'un territoire étranger. Les Hollandais sont plus au courant. Un rapport du Député Gouverneur Général des Indes arrive à La Hague à la fin 1841 faisant état qu'un Anglais qui s'était établi au Sarawak fait maintenant partie du gouvernement, que le Sultan de Sambas, vassal des Hollandais, craint que l'ouverture du Sarawak ne nuise à son commerce. Mr Bloem, l'Assistant Résident qui avait encouragé la rébellion, se voit muté pour cet excès de zèle. Pour conclure, le rapport précise que si les autorités Hollandaises n'aiment pas que des citoyens interfèrent dans les affaires indigènes, quelque chose doit être fait pour enrayer 'l'entreprenant aventurier' que représente la personne de James Brooke.
Mais rien n'est entrepris. La Hollande n'est pas en mesure de mettre en œuvre une expédition d'envergure sur Bornéo, qui par ailleurs pourrait occasionner des frictions avec le gouvernement Britannique.

James Brooke a donc le champ libre pour entamer son règne, aucune complication ne pouvant émaner de la Hague ni de Londres.





..... Un break dans cette histoire... 
Ce que je viens d'écrire est directement traduit du livre en Anglais de Steven Runciman "The White Rajah's"(on le trouve sur le net en PDF). Long et difficile pour moi, une traduction, mais nécessaire.
Mon but est de mettre cette histoire à jour, tellement elle me semble décalée par rapport au reste du monde. Et puis l'exemplaire qui me sert fait aussi partie de l'histoire puisqu'il m'a été prêté par Célia, l'arrière petite nièce de James. Et je ne pourrais même pas le lui rendre ! J'ai appris son décès en cherchant de ses nouvelles sur le net. Elle est morte en 2011.
J'ai trouvé aussi sur le net un recueil de lettres de James Brooke des années 1850. J'y viendrai par la suite. 
Si dans un premier temps notre 'aventurier' a le champ libre, cela ne dure pas. Les grandes puissances vont bientôt se réveiller...Cette période lui donne malgré tout le loisir de mettre en place un système pérenne, qui respecte les humains.
Et qui durera un siècle. 
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dimanche 31 juillet 2011

Masanobu Fukuoka


Aujourd'hui, tout avance très vite. Le soleil était splendide et la journée pleine d'enseignements. Je ne voulais pas la terminer sans en laisser une trace sur ce blog.

Il faut faire un peu de place à la mémoire de ce japonais tenace, Masanobu Fukuoka. Chercheur en agronomie, il a abandonné sa carrière scientifique pour se consacrer à l'expérience directe sur l'île de Shikoku, Japon.
Toute sa vie il a mis aupoint une technique qu'il a baptisé  « agriculture naturelle » Il ne laboure pas, ne met pas d'engrais, ni de compost et ne traite pas. Mais alors comment fait-il ?

Il sème une céréale de printemps alors que la céréale d'hiver est mûre, encore sur pied. La récolte se fait à la main et le piétinement permet de faire taller les jeunes pousses, puis il redonne la paille de la récolte à la parcelle, et ainsi de suite... La céréale d'hiver est semée alors que l'autre est encore sur pied, etc.. Le tout agrémenté de passages de volailles qui mangent des insectes tout en amenant leur contribution naturelle au sol.

Résultat : la fertilité du sol augmente régulièrement les années passant alors que bien des spécialistes auraient prédit l'inverse.

Fukuoka se méfie des spécialistes qui sont tellement pointus dans leur domaine qu'ils ne voient pas l'ensemble des choses. Et la nature ne fonctionne pas lorsque les spécialistes s'en mêlent. C'est la vision holistique qui amène la juste vision et le juste équilibre. Il faut lire « La révolution d'un seul brin de paille » pour se rendre compte de cette vérité.

Notre société est truffée de spécialistes dans tous les domaines. On prétend savoir tout gérer et pourtant tout va mal.  Exemple  concret : ces jours ci, pour des clients désireux d'installer des toilettes sèches, je me documente sur le sujet. Le bilan est catastrophique. Nos systèmes à chasse d'eau emportent irréversiblement tout ce que nous a confié la nature terrestre dans le fond des mers... Et les terres arables s'appauvrissent d'année en année, qu'elles soient en bio ou pas. Le gros boulot de la bio c'est bien de conserver la nature humique du sol. Claude Bourguignon en est un excellent témoin. Le film de Coline Serrault nous le montre en vedette de la pédologie, la fameuse science qu'on n'enseigne plus dans aucune école d'agriculture. La seule qui parle du sol nourricier. Les lobbies chimiques ont fait leur travail de Huns : là où ils passent, l'herbe ne repousse plus !

J'engage toutes les personnes hésitantes à aller regarder de quoi il s'agit. Car le même phénomène se passe dans nos pensées. Notre conscience ne peut s'enrichir qu'avec un minimum de bien traitance de nous mêmes. Laisser germer l'intuition demande une persévérance et une clarté intérieure bien éloignée des idées toutes faites. Et chercher en permanence le lien fort, la résonance intérieure, le sentiment de plénitude qui ne trompe pas. Même quand rien ne va, surtout quand tout va mal, et encore plus quand tout paraît s'arranger.

Laisser battre son coeur dans la joie du présent.

Merci Masanobu pour cette fabuleuse leçon, merci aux proches qui m'aident avec leur franche amitié.

samedi 30 juillet 2011

Et le soleil dans tout çà...


Samedi 30 juillet 2011, Soubès


Je n'avais quasiment pas écrit depuis « le haut et le bas ». C'était une étape importante qui m'avait permis de poser des bases de réflexion. Pourtant l'envie d'écrire ne m'avait pas quitté et je me suis souvent surpris à penser à le faire, mais sans plus. Et puis tout récemment j'ai voulu ce blog pour poser la suite.

Voici bientôt trois ans, j'ai lu un article sur le sungazing (en français : le « regardage du soleil »). C'était le récit d'une expérience dans un numéro de biocontact consacré à la lumière.

Pour résumer, le sungazing est une vieille technique ayurvédique redécouverte par un indien qui a pu en constater les effets sur lui-même avant de la faire connaître comme moyen de développement personnel.

21 Septembre 2008 : je regarde le soleil se lever pendant 10 secondes. C'est frustrant.
Chaque jour, j'augmente le temps de 10 secondes.
Les jours passent et rétrécissent, je dois changer de lieu d'observation car l'horizon autour de chez moi est rempli d'obstacles et l'observation ne peut se faire que pendant la première heure, c'est à dire avant l'arrivée des rayons ultra-violets.
L'hiver arrive et le temps augmentant, je dois me couvrir. Je laisse de côté le conseil de rester pieds nus, ne vivant pas sous les tropiques. Par contre j'amène toujours une bouteille d'eau en verre que j'ai pris soin de remplir d'eau de source et de laisser au soleil plusieurs heures avant de la boire. L'oeil est un muscle qui a besoin de s'hydrater lorsqu'on le sollicite. Et le soleil en direct sollicite...

Plus le temps avance, et plus il me faut du temps après chaque scéance pour retrouver la neutralité rétinienne. Le phosphène dû au soleil est très puissant et laisse de magnifiques couleurs qu'il faut apprendre à « digérer ». D'ou cette précaution de progresser prudemment de 10 secondes en 10 secondes. Je constaterai plus tard que ce temps de nettoyage rétinien diminue, en fait lorsque j'ai dépassé une vingtaine de minutes. Il est à l'heure où j'écris de quelques secondes.

Avec le printemps, je sors mon violon. Un excellent moment, seul avec la nature, les yeux dans les yeux avec l'astre responsable de mon existence. Il me faudra un an et demi pour atteindre les 44 minutes, temps maximum conseillé avec lequel la glande pinéale est rechargée.

Lorsque j'en étais à une dizaine de minutes, un ami médecin reconverti dans le vin pensait que j'allais perdre la vue. Il m'a fait rire. Jamais je n'aurais imaginé que l'oeil humain pouvait rester dix minutes à fixer le soleil, pourtant c'était bien là ma réalité quotidienne, mais lui avec sa médecine, il avait la certitude que c'était impossible. Le matin de juin 2010 où je réalise 44 minutes , je lui fais un message en lui commandant pour le soir même une caisse de son vin !

Toutes ces heures passées à engranger la lumière , à méditer, à jouer m'ont insensiblement changé. Par exemple, je ne crains plus la lumière des phares quand je roule la nuit. Mais le principal effet concerne mon temps de sommeil : je dors nettement moins( 7 à 8 heures autrefois, maintenant 4 à 6 heures me reposent amplement) et ceci est lié à l'évolution de ma glande pinéale.

Je parlais un soir avec un ami de sungazing et il me demande si j'ai consulté un ophtalmo par acquis de conscience, je lui dis que non, mais pourquoi pas. Le même soir je me retrouve assis à table avec comme voisin un anglais ophtalmologue. Je lui explique le sungazing. Il me croit, mais il n'en revient pas. A ce jour, je n'ai toujours pas consulté d'ophtalmo.

Par contre, je lis tout ce que je trouve sur la glande pinéale.


mercredi 27 juillet 2011

Du haut et du bas








L'habitude, bien sûr, c'est de considérer le haut côté tête, et le bas côté pieds.

Dans la position debout ordinaire, celle que tout un chacun utilise couramment pour se lever, se déplacer. Normal quoi.

Et puis le ciel c'est le haut, et la terre, c'est le bas. Rien de nouveau sous le soleil. Pas compliqué du tout. Pas compliqué, mais alors pas du tout.

Bon. Quand même, sur la mer, on voit que le ciel, tout en haut, il descend jusqu'en bas. En bas, c'est la mer, mais c'est toujours la terre.

Allez, on fait un dessin de tout ce petit monde. Voilà. Une carte du monde. Mais le monde c'est une sphère. La question est de savoir quel est le haut d'une sphère. Une sphère ça n'a pas de haut et de bas. Pourtant on a bien vu que le bas, c'est la surface du sol, et le haut c'est le ciel.

Donc il doit y avoir un sens.

L'ennui c'est qu'un dessin c'est en deux dimensions, alors qu'on veut exprimer quelque chose qui en a trois...

Imaginons qu'on dessine notre sphère en trois dimensions : une belle mappemonde. Et on lui crée même son axe de rotation, et on la fait tourner.

Pourtant il reste une question en l'air : c'est quoi cette habitude de mettre le nord en haut et le sud en bas ? Pourquoi pas l'inverse, et pourquoi doit-on choisir soit l'un soit l'autre ?

La sphère, on l'a bien vu, n'a ni haut ni bas. Si ce n'est que tout ce qui s'éloigne de son centre peut être assimilé à la direction du haut, et tout ce quoi s'en rapproche, à la direction du bas.

C'est donc notre façon de représenter qui cloche.
Bon, ok, mais où est-ce que ça cloche ?

Si ça cloche, c'est une question de centre de repère. La sphère a cette particularité de contenir un centre vers lequel tout converge. Attention ! Tout y aboutit, y compris nous, y compris moi et mes pensées de vouloir dessiner un plan, de me figurer la sphère hors de son contexte qui est elle-même.

Une sphère n'est pas un objet quelconque, comme on peut s'imaginer en mathématique soit un objet quelconque de centre C... Pas du tout ! Cet objet fait déjà partie de la sphère originelle et par ce fait, il est déjà orienté en haut et bas puisqu'il prend naissance quelque part à la surface de la planète.

Je suis donc conduit à me repenser en tant qu'être pensant qui prétendait détenir la référence absolue en lui. Je suis dépendant d'un haut et d'un bas, et les deux me maintiennent dans une étroite dépendance qui m'empêche l'accès à la représentation juste du monde qui m'entoure. C'est vrai : si je dessine la terre, je l'oriente soit en haut soit en bas, mais je la dépossède de son état de sphère qui est multidirectionnel.

Pourtant, la nature m'a doté de deux sphères pour voir. Il doit exister la possibilité d'ajuster mes yeux avec le reste du monde pour obtenir une image juste de la réalité...

A y regarder de plus près, c'est vrai. Mes yeux sont sphériques et ramènent à mon cerveau une image que je crois plane. Mais la perspective est bien là. Tout ce qui est loin est petit, voire minuscule, et tout ce qui est près est grand voire énorme. J'ai ainsi ma propre vision sphérique. Limitée à ma personne. Ma personne avec son haut et son bas. Voilà ce qui clochait, tout à l'heure. Mes yeux rassemblent au centre de moi-même ce qui est autour de moi. Et chaque système sphérique agit de même. Avec la petite différence entre la planète et moi : elle se suffit à elle même alors que moi, j'ai besoin de la verticalité pour exister. Du coup j'affecte à tout ce que j'observe une verticalité.

La mienne, avec son haut et son bas, tragiquement seule, alors que la sphère planétaire possède autant de verticales que de grains de sables dans la mer.

Je sais, il y a l'axe des pôles. Rassurant dans un sens mais n'allons pas nous y tromper : rien à voir avec ma verticalité. La preuve : le nord, c'est le haut ou le bas ?

Tout cela pour en venir au fait que la conscience d'exister ne coïncide pas exactement ni obligatoirement avec la réalité 'sphérique' de notre réalité globale. Il y a comme un décalage, un parallaxe insidieux qui, s'il n'est pas pris en considération, fausse de façon remarquable les raisonnements humains.

La géométrie Euclidienne a sa lourde part de responsabilités dans cette affaire. Et les partisans de l'hypothèse antique de la terre plate...

L'éducation qui propage encore de nos jours ces tentatives sommaires d'explication du réel le fait-elle en conscience ? Qui parle de conscience verticale ou de conscience sphérique ?

Est-ce si difficile à comprendre ? Une simple fleur réagit à la conscience sphérique de l'univers. Chaque organisme vivant également.

Des points






Si un point est défini par la rencontre de deux droites, la droite est elle-même définie comme un ensemble de points dans une même direction.

Allez vous y retrouver. On ne peut pas connaître l'un sans l'autre et réciproquement. C'est comme ça.

On a voulu extraire de notre champ de la réalité quelques éléments pour permettre une vision plus synthétique, et voilà que le début même de la manœuvre pèche par manque de sérieux.

Soit le périmètre d'un cercle, constitué de points. Combien y en a-t'il ? Le cercle a beau être une quantité fixée à l'avance par la dimension de son rayon, il n'en va pas de même de la quantité de points qui le composent : le point étant par nature infiniment petit, n'importe quel cercle contient une infinité de points.

Les petits comme les grands : les petits cercles comportent une petite infinité de points et les grands une grande infinité. Pas de jaloux. Seule question en suspens : comment peut-on comparer deux infinités de points ? La notion même d'infinité suppose une nature illimitée. Or le cercle est bien fini puisqu'il est fermé. Serait-il donc doué d'une double nature ? Une nature fanfaronne, saisissable par le premier venu armé de son Pi des classes primaires et une autre plus secrète en laquelle celui qui s'y plonge a peu de chances de ressortir à l'identique ?

Pour ma part, je soupçonnerais le cercle d'avoir en tout cas plus d'un tour dans son sac : alors qu'on concède à la droite une longueur infinie en la laissant royalement déborder de part et d'autre du cahier de géométrie de notre enfance qui nous sert encore de support de réflexion, on laisse un simple cercle attirer autour de lui l'infini. Sans vergogne. Étions-nous vraiment des aveugles ? De simples maladroits mal avertis du danger d'avoir à comparer le rectiligne et le courbe ?

A-t'on seulement pensé à la nature des forces qui entrent en jeu dans le maintien d'une ligne courbe ? Et dans celui d'une ligne droite ? A-t'on seulement réfléchi aux contraintes qu'on imposait à nos points soigneusement rangés pour plaire à un enseignant qui croyait tellement en ce qu'il disait qu'il nous a fait passer à côté de ce simple fait réel : la vie est un mode vibratoire.

La droite n'est guère qu'une vue de l'esprit.

Une étroite vue de l'esprit.



Point.

Gravitation







En maçonnerie, il est bon de commencer par une claire vision des forces qui régissent la plupart des choses.

A commencer par la force du maçon lui-même sans laquelle rien ne pourrait aboutir. Sa force physique évidemment, mais aussi sa force morale qui lui sert à persévérer et sa force mentale qui lui donne le moyen de concevoir dans sa tête avant de se lancer comme un fou dans l'action.

C'est grâce à cette troisième composante du maçon que nous pouvons entamer le sujet qui nous occupe.

Le maçon doit connaître sur le bout des doigts la différence qui existe entre la verticale et l'horizontale. Facile !? Pas toujours : la verticale est la direction qu'emprunte systématiquement tout objet qu'on lâche sans lui avoir donné d'élan. Il tombe à la verticale de son point de départ en vertu de la force gravitationnelle.

C'est la terre qui est responsable de la force gravitationnelle. La terre et l'objet, car l'un ne va pas sans l'autre. La terre étant douée de mémoire, elle reconnaît chaque objet qui la compose et l'attire dès lors que quelqu'un (par exemple un maçon) tend à l'éloigner de son sol pour des raisons qui souvent nous échappent.

Chaque verticale est unique, car chaque force mise en route est un événement à part entière, et le raccourci qui permet de dire que toutes les verticales sont parallèles est bien entendu faux car la terre, comme vous le savez, est ronde, et ainsi les verticales sont toutes concentriques en son centre, ce qui est difficile à contrôler vu la chaleur qui y règne.

On ne pense pas assez à la réalité gravitationnelle qui est omniprésente. C'est donc elle qui gouverne tout le concept de verticalité. N'allons pas imaginer des verticales là où il n'y en a pas, par exemple dans l'espace inter-planétaire : doit-on mesurer la verticale en visant Mars ou Vénus, ou bien la Terre ?

Revenons à la terre. Elle est ronde et nous offre directement la possibilité de nous rendre un peu plus intelligent en nous offrant un espace fini puisque rond, alors que l'espace nous égare, ne faisant même pas mine de nous montrer des limites même à l'infini.

Ronde comme elle est, la terre tourne sur un axe et poursuit une ronde autour du soleil lequel, rond lui aussi, avance aussi en spirale dans la galaxie.

Et l'horizontale, dans tout ça ?

Eh bien, nous y sommes presque. Reposons-nous un instant sur la surface de notre planète favorite pour constater que toute surface perpendiculaire à une verticale est effectivement horizontale. Et tout objet placé sur une surface horizontale et dûment calé est stable, la gravitation agissant sur lui à la façon d'un aimant, son centre de gravité étant comme il se doit à la verticale de sa base de sustentation.

Regardons cet objet stable et réfléchissons.

Imaginons un pot de fleur posé sur une table horizontale, et la table à bord d'un véhicule lancé à 130 km/h sur une autoroute bien droite.
Que va devenir le pot de fleur au premier virage ?
Question supplémentaire : que devient le pot de fleur si au lieu d'un virage le véhicule freine brusquement ?

Dans les deux cas, on peut prédire un autre destin au pot de fleur que celui que nous suggérait le fait que son centre de gravité avait sa verticale au milieu de sa base de sustentation.

Il reste à bord du véhicule quelques débris de terre cuite, une certaine quantité de terre cultivable, et une fleur, sans doute, mais pour cette expérience, il aurait mieux valu s'en passer. Disons qu'il ne reste que de la terre, ce qui nous ramène à nos moutons.

Car notre belle planète ne fabrique pas seulement des verticales et des horizontales pour le bon plaisir des maçons et de ceux qui les exploitent. Elle bouge.

D'après mes plus récents souvenirs, elle fait en une année le tour du soleil. A une certaine distance, qu'on peut appeler rayon. Ici, on confondra volontiers le rayon du cercle que décrit la terre autour du soleil avec le rayon de soleil lui-même. Idée lumineuse qui permet de donner au calcul un peu d'éclat.

Soit donc une planète terre qui décrit un cercle de rayon R = 153 millions de kilomètres. Sachant qu'elle fait un tour exactement en un an, quelle distance a-t-elle parcourue dans ce laps de temps ?

Une fois ce premier calcul effectué, calculer ensuite la distance parcourue en un jour, puis en une heure, et puis en une seconde.

En utilisant la valeur ordinaire du chiffre Pi, le fameux incontournable chiffre grec qui nous permet le calcul du périmètre d'un cercle (y compris de celui-ci), on arrive à une vitesse moyenne de 109.000 kilomètres par heure, soit environ 30 kilomètres par seconde.

Ici, petite pose pour bien se faire une idée de ce qui se passe : à cette vitesse (constante, merci. Comparée à la vitesse du son, on obtient mach 88...) notre terre ne suit pas un chemin rectiligne mais un virage permanent : un cercle ne comportant aucune ligne droite. La face de la terre qui se trouve à l'intérieur de ce cercle (côté jour, donc) n'est pas soumise à la même force que la partie qui se trouve à l'extérieur (côté nuit). Il semblerait, vu l'exemple du pot de fleur embarqué à bord de la voiture, que les objets du côté jour soient soumis à une plus grosse tendance à coller au sol, alors que ceux du côté nuit aient une fâcheuse tendance à s'échapper.

C'est pour cette simple raison que les maçons ont pris l'habitude de maçonner le jour. Ils utilisent la nuit pour s'échapper des dures contraintes matérielles ordinaires. Ils y ont beaucoup gagné, car les édifices qu'ils nous laissent semblent rester debout de jour comme de nuit, bien que personne n'ait jamais expliqué que ce soit réellement normal.





Germer





Ma conclusion en ce qui concernait la droite me semble tout à fait manquer de tact. C'est vrai : tout un laïus à propos de simples concepts géométriques, et puis voilà que, tel un cheveu sur la soupe, arrive une phrase carrément hors sujet, sans aucune explication.

Mais c'est comme ça !

Les mots n'ont pas toujours la sagesse qu'on croit et il leur arrive parfois de nous jouer des tours. Les langages sont des espaces virtuels dans lesquels notre conscience cherche depuis le début des temps à exprimer ce qu'elle comprend du réel. Si je dis «le monde réel», je cherche à exprimer la partie réelle du monde, si je dis «le monde virtuel», je parle d'autre chose que du réel, mais mes deux paroles sont virtuelles. Il reste que le virtuel de mes paroles ne l'est qu'au niveau du sens , car si je parle, je fais réellement vibrer l'air qui m'entoure et ceux qui m'écoutent réalisent ce que j'exprime par le mode vibratoire le plus simple qui soit : l'air en mouvement. Si au lieu de le dire je l'écris, l'impact sera différent mais il existera car le sens des mots percute l'oeil et l'esprit de celui qui les comprend et produit presque le même effet quoique l'espace vibratoire utilisé ne soit pas le même.

- Quel est alors l'espace utilisé ? (se dit alors le lecteur étonné) L'espace lumineux. Les mots sont lisibles grâce à la lumière. Allez lire sans lumière et vous verrez la différence.

J'ai donc écrit : 'tout est vibration'.

Le tout, c'est quoi au juste ? J'ai montré comment notre support planétaire accomplissait l'année à la vitesse moyenne de 109.000 km/h, sans même faire de halte au nouvel an...

On connaît le simple mouvement diurne qui nous permet de dormir la nuit et de bâtir le jour, nous, les maçons.

Le soleil doit certainement accomplir son propre cycle dans la galaxie autour d'un point qui lui aussi évolue en spirale sans nous demander notre avis. C'est comme ça !

Et ses rayons (longs de 153 millions de kilomètres) nous parviennent en quelque minutes de notre temps puisque naviguant à la vitesse de la lumière, et que même à cette vitesse, il faut un certain temps pour franchir une certaine distance.

Ce décalage me permet de constater en passant que l'image que j'ai du soleil a en permanence sept minutes de retard. Peu de choses, mais à y réfléchir, c'est un phénomène qui peut étonner. Je reviens au bon vieux sol de notre planète. Que fait il de cette lumière qui lui parvient jour après jour, comme un bombardement très particulier ?

Notre bon vieux sol s'est équipé de longue date de ce que nous nommons la végétation. Cette végétation qu'on laisse au loin de nos cités végéter sans état d'âme est le principal élément de la vie. On en parle en disant : «la nature», excluant de ce fait notre personne physique du contexte naturel, excluant aussi par le fait même tout ce que l'humain a réalisé et qui n'est donc pas naturel

Sans cet élément, pas d'oxygène, mais aussi pas de nourriture aux herbivores, donc pas d'herbivores, et par voie de conséquence, pas non plus de carnivores. Le désert, quoi. Car le premier rôle de la végétation est d'utiliser la lumière pour exister.

Et comment ?

Par la photosynthèse, évidemment.

Et nantis de cette réponse (que le dictionnaire décrit mieux que moi, ou tout bon ouvrage sur le sujet) nous pensons avoir compris le comment de la question...

Troublante erreur !

Si tout le monde est d'accord pour dire que c'est par la photosynthèse que la plante verdit et existe, personne ne dit comment il se fait que des particules solaires lancées à la vitesse de la lumière peuvent se trouver freinées par de simples feuilles toutes fragiles et se transformer en matière vivante comestible.

Dans chaque phénomène de digestion réside un secret. Celui-ci est le premier de tous : ni les animaux ni les hommes ne transforment la lumière. C'est le rôle du règne végétal.

Absorbant le spectre lumineux, il en rejette la couleur verte, seule fréquence indigeste, peut-être, en tout cas c'est par sa présence que nous constatons que les plantes vivent, croissent et se multiplient.

Rejetant la couleur verte, la feuille digère les autres fréquences (les visibles et le reste) et fabrique en étroite collaboration avec le sol humide toute la structure qui lui permet : de survivre à la nuit, de survivre au vent, de survivre à la sécheresse, de survivre à l'hiver, de survivre aux animaux affamés, et peut-être plus encore : survivre à l'homme.

Survivre à la nuit.

L'arbre inscrit en son tronc tout ce qu'il reçoit. L'examen d'un tronc coupé nous donne l'image de ce qu'il était à chaque moment de sa vie. Il consigne, tel un disque dur d'ordinateur chaque événement. On nous a enseigné à retrouver son âge en comptant les cernes concentriques de puis le coeur jusqu'à l'écorce.

Il va de soi qu'en hiver, démuni de ses feuilles, il ne fabrique presque rien, et le ralentissement de la sève y est bien visible, alors que le printemps et l'été est marqué par une forte croissance.

C'est cette différence entre l'hiver et l'été qui permet de compter les années, et même de retrouver quelles ont été les années sèches et les années humides...

Et sur certaines espèces à la pousse rapide, on distingue les cernes intermédiaires qui correspondent à la lune. Certains frênes des bords de rivière donnent ce renseignement : des faisceaux intermédiaires apparaissent entre les grands faisceaux annuels. Et ainsi de suite : chaque jour nouveau imprime à la sève un élan nouveau qui se matérialise par un peu plus de bois élaboré. Absorbant pour cela le gaz carbonique de l'air et rejetant de l'oxygène neuf.

Et chaque nuit, l'arbre inverse son cycle gazeux : il absorbe l'oxygène au lieu de le produire, et il produit du gaz carbonique au lieu de le consommer. Pourquoi : parce qu'il n'y a plus de lumière, qu'une certaine force vibrante n'opère plus.


Survivre au vent.

Mais reprenons vers le début de l'arbre. Il est tout jeune, fraîchement sorti de terre, agrippé par ses quelques radicelles à un sol plein de ressources, brandissant fièrement ses deux premières feuilles vertes. Et voilà que le vent se met à souffler.
Les arbres réagissent tous au vent en fonction de leur taille : les petits se plient et tremblent en retour, les grands se plient et bougent avec lenteur. Mais ce qui se passe dans la partie visible n'est que le résultat de ce que les racines transmettent au tronc : le vent fait levier sur le tronc et les feuilles, tendant à arracher les racines qui se retrouvent à soulever les cailloux sous les quelles elles se sont engagées. Le petit arbre soulève de tous petits cailloux, et le grand arbre soulève de gros cailloux.

Ainsi se fait le chemin des racines vers les profondeurs. Sans vent, les racines resteraient en surface. C'est le cas des arbres venus en plantation serrée : si la lisière vient à manquer, ils tombent à la moindre tempête. L'arbre isolé a subi le vent de toutes les directions et son réseau racinaire est puissant et profond dans toutes les directions.

Survivre à la sécheresse

Les racines recherchent la fraîcheur humide du sol. La force donnée par le vent permet de frayer le chemin au milieu des obstacles. Petit à petit ce travail souterrain établit un microcosme composé des racines et de tout un réseau annexe qui a pour but de rendre le sous sol spongieux.

C'est donc la présence de l'arbre qui permet au sol de devenir un réservoir d'eau qui fonctionne à la manière d'une éponge : une fois gavé d'eau, il suinte et donne naissance à des sources.

En fonction de l'étendue du manteau forestier, les sources sont nombreuses et ont un débit régulier.

Lorsque des arbres sont coupés, ce microcosme disparaît et il ne reste que le sol minéral qui ne peut pas retenir l'eau de la pluie : les sources disparaissent et ainsi commence un désert.

Survivre c'est vivre.

Quoi qu'il en soit, l'arbre vit. Il utilise tout pour être : le vent, la pluie, le sol, la lumière, l'air. Et il se façonne la possibilité de se pérenniser en générant sa propre semence.
Les étapes à passer pour y parvenir sont lentes. Du stade de la graine fraîche à celui de l'arbre adulte, les animaux s'en nourrissent, de la fourmi aux oiseaux et de l'écureuil aux grands ruminants

Certaines espèces mettent vingt ans pour devenir productifs à leur tour.

La surabondance «sait» l'appétit naturel des prédateurs et prévoit d'énormes quantités qui peuvent mener à terme le but ultime de la reproduction.

L'élaboration de la semence commence par la floraison. Il s'agit d'utiliser le patrimoine génétique du sujet pour l'offrir à la collectivité. En retour, le sujet accepte une partie du patrimoine d'autres sujets de cette collectivité. Cet échange, principalement mené par les insectes, mais aussi par le vent et l'air s'opère dans le secret des saveurs et des parfums.

La fleur est l'ultime prestation de la plante. Sa forme et ses couleurs témoignent de la nature profondément subtile de la vie. A la fois aboutissement et préambule, la fleur est la partie visible de l'harmonie interne.

Chaque plante possède sa propre façon de transformer la lumière qu'elle reçoit. Tout au long du processus de croissance, cette transformation s'opère de façon interne. Puis vient la floraison pendant laquelle la plante manifeste ouvertement ce qu'elle ressent en présence de lumière. Elle le fait en exprimant formellement la vibration qui l'anime. La forme de la fleur n'exprime cependant pas seulement la nature vibratoire en jeu dans le processus de vie de la plante, mais aussi une joie, à la façon dansante dont cette forme se révèle, toute en courbes gracieuses.

L'homme a vu dans la floraison l'expression féminine de la vie. Curieuse méprise puisque le rôle d'une fleur est de produire la semence. Mais alors où est situé ce principe féminin ? Lorsque la graine est prête, c'est le sol qui l'accueille et c'est sur ce sol que va s'effectuer la germination.

Le sol, l'humus, la terre, des mots pour désigner le lieu de la transformation par excellence : c'est ici qu'est retenue l'eau qui va permettre à la graine de redevenir plante.

Et c'est ici que tout se joue : ici réside le mystère de la vie. La germination est un secret. Une rencontre entre un potentiel vivant et l'eau. Chacun de nous a fait cette expérience avec quelques graines et du coton imbibé d'eau.

La germination c'est aussi simple que ça.

Mais que fait réellement l'eau ? Quel signal le germe attend-t'il pour entrer en action ?